Recherche de soi et de la lumière
12 août 2024 Non Par Paul RassatRencontre avec Éric Commelin de qui la démarche est recherche de soi et une construction permanente associant le souvenir vivant, la spiritualité, l’art, la Franc maçonnerie, les symboles.
L’écriture est émotion par ce qui est décrit, par les mots, leur justesse, leur musique, leur articulation. Quelque chose qui arrive sous une forme immatérielle ressort par les filtres du cerveau et de la main. Mon premier livre est lié au départ de mon épouse. L’étape ultime du deuil est d’en trouver le sens. Le sens de cette histoire mais aussi de ce qu’elle a permis d’ouvrir comme portes.
Le sens vient peut-être du fait que l’on cherche du sens. On le crée en le cherchant. C’est donc un mouvement permanent à travers les mots, la peinture…
C’est pourquoi a commencé en moi, dès l’âge de dix, douze ans, le chemin sur la recherche de la foi. Je ne parle pas de religion mais de foi. De l’appel de la foi. De Jésus. En voyant tout jeune un film sur Jésus, je m’interroge : « C’est quoi ce gars ? Il arrive plein d’amour et s’en prend plein la gueule. D’où un enchaînement de questions : que sommes-nous ? La nature, qu’est-ce que c’est ? Le besoin de trouver du sens est fondamental. Je tombe sur La faim du tigre de Barjavel. La foi simple d’un homme qui vit dans la nature avec beaucoup d’amour. Plus tard, mon épouse atteinte d’un cancer cherche elle aussi du sens en lisant Platon, d’autres auteurs. Lorsqu’elle décède au bout de trois années, commence pour moi une autre vie : il faut que je passe d’une vision horizontale à un chemin vertical. J’ai quarante ans ; je me remets à la peinture, je m’y adonne pendant une dizaine d’années pour réaliser des personnages, des nus de femmes, parfois d’hommes…
Une autre porte
L’objectif étant de travailler à une société meilleure, je m’intéresse à la Franc maçonnerie et j’adhère au rite écossais modifié. Il s’agit d’une synthèse qui aboutit à un outil destiné à ouvrir l’humain à la spiritualité, à une dimension de transformation. Il amène l’humain à mieux se connaître en s’appuyant sur le fonctionnement de ceux qui bâtissaient les cathédrales.
Depuis toujours tu es lié à la collectivité, à l’esprit d’équipe…
Cette approche y associe l’Histoire. C’est elle qui nous relie et assure une cohérence. J’ai réalisé avec beaucoup d’émotion la copie d’une vache de Lascaux en adoptant la même technique que les hommes préhistoriques pour partager quelque chose avec eux. Je me sens relié par vingt-cinq mille ans d’Histoire ! Quelle modernité dans le modèle que j’ai reproduit ! Ligne, couleur…
Quant à ceux qui bâtissent des lieux sacrés, ils s’organisent pour se transmettre du savoir, montrer, tutorer. Cluny était un immense bureau d’études qui s’est disséminé sur plus de dix mille sites à travers toute l’Europe. Le maître expliquait la technique mais aussi que l’on bâtissait un lieu dont l’élévation est symbolique.
Dans le domaine professionnel de la nourriture, dans l’art, chez les francs maçons, dans le souvenir de ta première épouse, tu cherches et tu trouves ta cohérence . Et c’est cette cohérence, ce socle, qui permet l’évolution.
La conversation suivant naturellement ses propres enchaînements, Éric montre un plan de la cathédrale de Chartres qu’il a réalisé lui-même.
Chartres n’est pas qu’une cathédrale. C’est aussi un outil exceptionnel de bâtisseur, mais aussi une symbolique régie par le nombre et par une vision maçonnique et initiatique qui permet d’accéder à la lumière et à la vérité. La lumière apparaît à celui qui soulève le voile des symboles, sachant que le symbole signifie davantage que la somme des parties qui le composent. Il nécessite un déchiffrement pour retrouver le chemin de l’imaginal, terme que l’on doit à Henry Corbin. C’est Jean-Yves Leloup qui m’a ouvert totalement à la foi, m’a permis d’en avoir une compréhension qui ne se limite pas à une dimension rationnelle. Il donne une autre lecture des évangiles.
Tout ce que j’évoque dans cette discussion permet de reconnaître la partie sombre qu’il y a en chacun de nous afin de ne pas l’occulter, la nier, la rejeter. L’assumer permet d’avancer. Garder la maîtrise de ses parts sombres fait partie de l’héritage de chacun.
Je suis un militant, un révolutionnaire qui n’admet pas que certains puissent avoir si peu de facilités à partager avec les autres…
Je reviens là l’imaginal. Il se situe, pour ce crayon que je montre, entre sa réalité, sa composition matérielle et son usage. Entre les deux, il y a un monde ! Celui de la transmission sans laquelle l’écriture n’existe pas, celui du dessin. Ce qui nous amène à mon travail artistique. Je me suis rendu compte que je dois écrire pour moi, pas pour séduire les autres. Lorsque j’ai commencé à exposer, je n’avais pas l’intention de vendre mes œuvres. Quand on m’a proposé de m’en acheter, j’ai plutôt décidé de les retravailler pour produire des copies. J’en fait, par exemple, des tirages sur papier que je travaille à la peinture à l’huile et que je peux décliner autant que je le souhaite.
Tout mon travail repose sur des symboles. J’utilise des clés pour ouvrir sur quelque chose, si possible à la lumière.