Souffle, exposition de Yannick Bonvin Rey

Souffle, exposition de Yannick Bonvin Rey

3 mars 2023 Non Par Paul Rassat

Il faisait froid à Carouge. Une galerie. Deux dames qui discutent. Un échange de regards. La porte s’ouvre, l’art et la conversation réchauffent ! Yannick Bonvin Rey a nommé son exposition «  Souffle ». À voir du 4 au 25 mars à la Galerie Marianne Brand.

Le souffle fait et défait

Le mouvement habite toutes vos réalisations. On ne sait pas si les choses sont en train de se faire ou de se défaire.

L’exposition s’appelle Souffle. Elle est le résultat d’un travail initié il y a deux ou trois ans. Deux feuilles constituent l’entrée de l’exposition. C’est avec elles que je peins. Toutes mes encres sont réalisées avec des feuilles que je ramasse dans la nature. Elles deviennent mes pinceaux.

C’est de la peinture écologique totale ! (rires)

Exactement. J’avais envie de remagnifier ce que ces feuilles m’ont donné. Nous sommes dans le vivant et dans un point de bascule entre l’univers réel et l’univers rêvé. Effectivement ce côté de bascule fait qu’on ne sait pas très bien où l’on est. Cet entre-deux n’est pas figé. Il ouvre au mouvement et au mystère. Au possible. Tout un jeu d’alternances mène du sombre à l’éclaircie, de l’éclaircie à l’orage qui arrive.

Le vent, le mouvement, l’envolée

Les paysages modèlent nos comportements.

Je viens des Alpes valaisannes, une région très forte. Plus j’avance en âge, plus je me rends compte de l’importance de ce paysage, de la façon dont il m’a façonnée, manière de voir les choses, de réfléchir… Mes peintures ne montrent pas de personnage mais elles replacent l’homme dans l’univers. Elles posent des questions sur qui, comment on est.[ On pourrait entendre ici « Comment on naît]. Ce qu’on vit.

Vous remarquerez qu’il y a souvent une envolée. Elle est liée au souffle, prend la forme d’une spirale. Cette envolée est une traduction [presque abstraite, distanciée] du vent, du mouvement. Puisque je parle de mouvement, je pars d’une idée, d’un fil rouge mais c’est le tableau qui se construit de lui-même petit à petit. Un dialogue entre lui et moi le crée.

Le souffle, le paysage rêvé, la poésie

Ici, ce pan de mur accueille des gravures en noir et blanc. J’ai mis au point une technique de photogravure.

Les autres œuvres ont chacune leur intérêt, mais celles-ci forment comme un lieu d’aspiration. Le centre de l’exposition.

Ici, ce pan de mur accueille des gravures en noir et blanc. J’ai mis au point une technique de photogravure. L’enjeu était de créer une cohérence avec différents supports et des techniques différentes. Gravure avec tirage sur papier, bois, peinture sur papier.

Revenons au souffle. C’est l’intérieur et l’extérieur, la vie et la mort. Vous parliez de rêve.

On retrouve la vie et la mort dans l’aspect lumineux ou sombre. Le rêve, lui, devient rêverie.

La poésie me passionne. J’y vois quelque chose de resserré, d’essentiel : la vie, la mort, les choses essentielles.

Rendre à la création

Un minimum de moyens pour un maximum de sens. C’est ce qu’on perçoit dans votre travail. Il nous renvoie aussi à l’origine de la création. Peut-être au clinamen de Lucrèce et d’Épicure, lointains précurseurs de la physique quantique.

Cette idée me plaît. D’autant plus que ce sont les feuilles qui m’ont guidée. L’aspect vivant du végétal m’a amenée à trouver ces lignes. Elles viennent de ces feuilles que je ramasse tous les jours.

Tirer de l’oubli

Le hasard et la rencontre avec la nature vous guident.

Ce sont des feuilles oubliées, au bord du chemin. Rien de précieux.

Seriez-vous une feuille oubliée vous-même ?

Huuuuuuummm, oui, je pense que j’ai…Oui, je pense que j’ai été une feuille oubliée. C’est ce qui motive probablement cette recherche. Intéressant comme question ! Je pense qu’on ne voulait pas forcément de moi quand je suis arrivée. J’ai dû trouver mon équilibre. La peinture y a contribué. Il a fallu du temps, un apaisement intérieur. Une traversée pour atteindre quelque chose d’authentique. Ce parcours a même été une chance. C’est comme ça que je le vis aujourd’hui. Il m’a donné envie de rêver, de me tourner vers la beauté, vers l’élévation, l’espoir.