Tenir debout. Françoise Cholé

Tenir debout. Françoise Cholé

4 août 2024 Non Par Paul Rassat

Exposition de céramique  Tenir debout  aux Communs de Cormatin. 10 / 19 heures jusqu’au 29 septembre 2024. Rencontre avec Françoise Cholé.

Comment tenons-nous debout ?

Pourquoi avoir choisi d’appeler votre exposition Tenir debout ?

C’était un titre évident. Il s’est imposé alors que je ne savais pas encore ce que j’allais fabriquer mais que le cœur répondrait à ce titre. Tenir debout est une question qui m’est très singulière, qui m’anime dans l’existence. Comment l’être humain tient-il debout ? Les équilibres, les points d’appui…J’ai toujours eu le sentiment de la grande fragilité des êtres humains, d’où l’émerveillement que ça tienne debout.

Un cheminement particulier

Je suis venue tardivement au monde la céramique ; je pense que c’est ce questionnement et cet émerveillement qui m’y ont amenée. On construit, on érige, il faut que ça tienne  en passant par différentes épreuves : le façonnage, la cuisson.

J’utilise un matériau très personnel que je vais récolter. L’enjeu est donc encore plus important puisqu’il s’agit de faire tenir ensemble des choses qui sont tombées. Je pars de rebuts auxquels je redonne vie en les assemblant.

Faites de rebuts, une forme humaine, la façade d’un temple, une arche?

Aller à l’essentiel

Vous produisez des formes simples et instaurez une relation entre le matériau brut, celui que vous avez ramassé et  le résultat de votre travail.

Je vais à l’essentiel. J’en dis le moins possible pour que la pièce s’exprime d’elle-même.

 Le spectateur peut continuer…

… reprendre à son compte ce que dit la pièce. On parle toujours de soi, bien sûr, mais il ne faut pas être bavard. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le matériau. Il faut donc lui laisser la place. Quand je commence à travailler à l’atelier, je trouve souvent que ça raconte trop de choses. Il faut aller à l’essentiel dans les gestes, dans la matière, dans la mise en forme. Je travaille assez vite, sinon la pensée prend le dessus. Je laisse penser mes mains ; ce qui fait que je découvre la pièce à l’arrivée. C’est ma façon de travailler, même si je conçois qu’il y a des travaux qui demandent de la préparation, du dessin. J’aime être dans le dur, dans la matière, lâcher pour laisser les mains faire. Elles sont plus intelligentes que moi.

 Ne pas trop en dire

Parce qu’il y a l’expérience, les références…

Il faut les nourrir, accueillir. Le geste artistique consiste à accueillir ce qui vient et faire le tri. Pas trop en dire, pas trop en faire. C’est en accord avec ma façon de vivre.

C’est sans doute pour ça que votre travail parle à des publics divers, aux étrangers.

Les retours des gens me touchent beaucoup. C’est un travail très solitaire. Personne n’avait vu les pièces que j’ai installées ici avant leur sortie de l’atelier. Il est touchant qu’elles font écho, que les gens me racontent leurs histoires. Ce couple que vous avez vu était très ému. Ce travail, ce sont des consolations. Une façon de pacifier le monde, de le rendre plus habitable.

Jean-Louis Hourdin, homme de théâtre qui habite Cluny, parle d’ « anticiper la réconciliation ».

Mon travail me sert aussi à tenir debout.

Le rythme

J’y vois aussi un travail sur le rythme.

Je ne voyais pas les choses comme ça, je vais regarder ! Ce qui compte pour moi, ce sont les liens, comment vivre ensemble, quelque chose de l’avec où entre peut-être la notion de rythme.

Céramique et convivialité

L’exposition invite à  parler avec d’autres visiteurs . Un couple de la Drôme, ou bien un autre de Hollandais qui confie :

Nous avons une adoration pour l’architecture. Nous avons habité dans plusieurs pays : en Norvège par exemple. J’adore les formes de base dans l’architecture. Nous avons acheté des maisons en Norvège, en Sicile. En Norvège, elles sont en bois. Leur structure est simple et nous la retrouvons ici, dans le travail de Françoise Cholé. Réaliser des œuvres d’art fortes avec des structures simples n’est pas facile ! Il faut y combiner la technique, l’esthétique et l’originalité.

Polysémie

Le travail de Françoise part , pour cette exposition, de matériaux récupérés sur le site d’une usine qui devient un enjeu immobilier. Tenir debout devient ainsi une forme d’engagement concret, avec cette petite touche du sens, puisque  ça tient debout signifie aussi « C’est crédible , c’est possible ».