Trahison
1 août 2025Revenons à la notion de trahison déjà abordée grâce à Kamel Daoud. On pourrait s’amuser à formuler cette question : « Est-ce que trahir quelqu’un qui se trahit lui-même constitue une trahison ? » Ceci est affaire de conscience, de cohérence et de fidélité à soi et à une éthique.
Se trahir traduit d’ailleurs une forme de vérité révélatrice. Dans un lapsus les mots trahissent-ils la pensée ou bien la révèlent-ils ?
Trahir et transmettre
Dans Étymologies pour survivre au chaos Andrea Marcolongo remarque : « …étymologiquement parlant, la trahison signifiait « remettre », « mettre dans les mains d’autrui ». Non dans le sens négatif de gaspiller, de perdre ce qui ne nous est accordé qu’une seule fois : la confiance. La trahison signifiait tout simplement « donner »…Le verbe tradere, « transmettre », « faire passer », vient aussi du verbe dare, « donner »…D’où vient non seulement notre mot trahison, mais aussi la tradition, l’ensemble des souvenirs sélectionnés au cours des siècles qu’une société entend transmettre aux générations futures. »
Ambiguïtés
Le mot trahison prend une connotation négative avec la traduction du texte de l’Évangile en latin et la « trahison » de Juda. Or certaines exégèses contemporaines permettent de se demander si Juda voulait vraiment livrer Jésus aux Romains, le trahir, ou le protéger en le remettant à ceux qui faisaient respecter la loi.

La notion de traduction a longtemps été considérée comme une trahison. Joseph a été présenté comme un charpentier. De récentes recherches notent qu’il n’y avait pas de charpentiers en Palestine autrefois. Ils n’y auraient pas eu de travail puisque le toit des maisons était plat. Une traduction actualisée irait plutôt du côté de Joseph le sage.
Traduction et trahison positives
Ainsi, la traduction peut être une trahison, ou bien un appauvrissement du texte originel ; ou un enrichissement de celui-ci lorsqu’elle en respecte l’esprit et y ajoute le génie de la langue de réception. Il en va de même de la tradition. La respecter formellement la fige et la tue, en fait un poids mort. Transmise vivante, ouverte à une réception intelligente, elle devient source d’expérience et de progrès.
Savoir rester fidèle intelligemment
Dans un précédent article, Talpa citait Pierre Hermé : « Une fois ancrée la colonne vertébrale, il est possible de tenter de nouveaux gestes. La fidélité aux maîtres, à l’apprentissage n’est vivante que dépassée, approfondie, portée par des découvertes personnelles. « …évoluer en préservant les fondamentaux. » « Cultiver la différenciation , penser différemment[ car] créer ce n’est pas copier. »