Le travail #2 : Argent, revenu, partage, spectacle

Le travail #2 : Argent, revenu, partage, spectacle

7 mars 2021 Non Par Paul Rassat

Si l’argent n’a pas d’odeur, il porte bien des noms

Paie, rétribution, rémunération, appointements, traitement, émoluments, honoraires, solde, cachet, vacations, salaire, commission, prime, indemnité, jeton de présence, pourboire, tribut, guelte, châtiment, allocation, pension, gages, recette, revenu, dividendes, actions, placements, capital, bénéfice, marge, profit, rapport…Mais le fin du fin est l’argent que l’on gagne en faisant travailler son propre argent.

Le travail n’est pas une marchandise

On trouve dans la Déclaration de Philadelphie une définition de cette juste division du travail, propre à nous servir de boussole en ces temps désorientés. Elle donne pour objectif aux « différentes nations du monde » que les travailleurs soient employés « à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun. Forte et belle formule, qui conjugue la question du sens du travail, du « pourquoi travailler ? » (pour contribuer au mieux au bien-être commun) et celle de son contenu, du « comment travailler ? » (en ayant la satisfaction de donner la mesure de son habileté et de ses connaissances). Elle dessine ce qu’après Georges Canghuilem et Yves Schwartz, mais dans un sens élargi, nous avons proposé d’appeler une conception ergologique du travail, c’est-à-dire une conception qui, partant de l’expérience même du travail, restaure la hiérarchie des moyens et des fins en indexant le statut du travailleur sur l’œuvre à réaliser et non pas sur son revenu financier. 

Alain Supiot Le travail n’est pas une marchandise
Travail au (petit) noir

Boris Vian Traité de civisme

 Le travail c’est la liberté

La liberté c’est celle des autres

De là à conclure que le travail c’est celui des autres, il n’y a qu’un pas à faire _ Et que des gens le franchissent.

 Le paradoxe du travail, c’est que l’on ne travaille, en fin de compte, que pour le supprimer.

   Et refusant de constater honnêtement son caractère nocif, on lui accorde toutes les vertus pour masquer son côté inéluctable.

De fait, le véritable opium du peuple, c’est l’idée qu’on lui donne de son travail. Comme si le travail était autre chose qu’un moyen, transitoire, de conquête de l’univers par l’homme.

 Rendre le travail intéressant ? C’est ? Le rendre varié donc le rendre libre (impossibilité, car c’est au moment où ça cesse d’être intéressant que ça devient un travail) ; donc le supprimer.

Le travail c’est ce qu’on ne peut pas s’arrêter de faire quand on a envie d’arrêter de le faire. Sur le plan physique ça donne une définition pas mal de la douleur.

Einstein avait raison Il faut réduire le temps de travail

Les auteurs, Pierre Larrouturou et Dominique Méda rappellent eux aussi l’esprit et la lettre de la Conférence de Philadelphie du 10 mai 1944 convoquée par Roosevelt.

Entre 1970 et 2008, le PIB a augmenté en France de + 150%, la population active (chômeurs compris) a augmenté de + 33,4% et le total des heures travaillées annuellement a baissé de – 6,6%. Les robots nous permettraient de réaliser le rêve de Sénèque il y a deux mille ans. Ils devraient, comme les esclaves autrefois, nous dégager du temps pour des occupations nobles, humainement enrichissantes. Les conditions actuelles, population en augmentation, appui des machines et robots, rendement accru devraient entraîner un meilleur partage du temps de travail et une baisse de celui-ci. Or c’est le chômage qui croît ! Et on reproche aux chômeurs d’être des assistés !

Comment je vois le monde, Albert Einstein, 1933

 Pour la production de la totalité des biens de consommation, seule une fraction de la main-d’œuvre disponible devient indispensable. Or dans une économie libérale, cette évidence conduit forcément à un chômage élevé.

Ce même progrès technique qui pourrait libérer les hommes d’une grande partie du travail nécessaire à leur vie est le responsable de la catastrophe actuelle.

Pour supprimer ces inconvénients, il faut, selon moi :

Une diminution légale du temps de travail pour supprimer le chômage

Parallèlement, la fixation d’un salaire minimum pour garantir le pouvoir d’achat des masses en fonction des marchandises produites.

Une vraie régulation des stocks de monnaie en circulation et du volume des crédits…

Une limitation du prix des marchandises qui, à cause des monopoles ou des cartels, se dérobent de fait aux lois de la libre concurrence.

Einstein distingue aussi la surpoduction réelle de la surproduction apparente. La première est une offre supérieure à la demande. La seconde est la conséquence d’un pouvoir d’achat trop bas des consommateurs. Mais dans les deux situations, se produit le même scénario. Puisque « le désir est un état qui implique le manque d’un objet (Darian Leader Ce que l’art nous empêche de voir) il suffit de maintenir permanent cet état de manque pour pousser les gens à consommer. La publicité entretient cet état en matière de consommation comme les promesses le font dans le domaine politique.

Travail du chapeau

Conclusion

Monsieur Christophe Castaner déclarait en février 2021 qu’il n’est pas favorable à un revenu universel mais à des formations pour les gens sans emploi.

. Dans ses Chroniques au fil de l’actualité, Alain Rey écrivait « Le plein emploi, c’est : placer les humains avant l’argent. Apparemment, la grande entreprise n’a plus la gueule de l’emploi. »

Ni la gueule, ni la bobine qui n’est plus le support des films. Dans Le cinéma intérieur : Projection privée au cœur de la conscience , Lionel Naccache montre que nous voyons le monde en treize images par seconde. Notre cerveau mouline ce que voit notre œil. Les films fonctionnent généralement en vingt-quatre images/seconde. Est-ce que notre réalité est du cinéma ? Nous avons créé des objets, des technologies qui nous façonnent en retour. Avec l’avènement de l’ordinateur, on « imprime », on est « sur » on « valide ». Le cinéma, lui, a renforcé notre vision cinématographique du monde. La prod est aux manettes, à l’Élysée, Matignon, au Parlement. Les metteurs en scène déroulent l’histoire, du Parlement, des grandes entreprises. Chacun est dans son emploi, ou à contre emploi, acteur, technicien, script, régisseur, figurant. Chacun a un emploi qui fait vivre l’autre. Figurant // chômeur sont bien dans le film et y contribuent. Monsieur Castaner est petitement dans son emploi, dans son rôle.

Autrefois, on vendait des friandises et des glaces pendant l’entracte. Maintenant, c’est popcorn pendant toute la projection. Faut qu’ça craque ! Ça passe et ça craque!