Trous de mémoires

Trous de mémoires

3 mai 2025 0 Par Paul Rassat

Le livre de Nicolas Juncker vient-il combler des trous de mémoires, en dénoncer d’anciens et de nouveaux ? Dès la couverture apparaissent dans des impacts de balles des lieux, des portraits. Toute une page d’Histoire en quelques vues.

Algérie / France-France / Algérie

Le propos du livre part «  d’un serpent de mer d’au moins vingt ans, lorsque le maire de Montpellier Georges Frêche décida de créer un musée de la France en Algérie… » Paru en février 2025 Trous de Mémoires coïncide avec les démêlés qui rapprochent , lient et séparent l’Algérie et la France. L’humour et l’ironie de Nicolas Juncker ajoutent encore à la situation et aux incompréhensions cristallisées par ce musée. L’un de ses personnages dénonce : « On fait des musées, des monuments à la nique, quoi…Et, page suivante, une employée de mairie se présente : «  Bonjour ! Je suis Monique ! » Un peu caricatural, mais vous avez là un aperçu de tous les enchaînements, de tous les niveaux d’interprétation, de toutes les divergences d’avis sur la question des relations entre la France et l’Algérie.

Réconcilier ?

Sur le musée lui-même personne n’est d’accord. Transcender ? Préserver ? Juxtaposer ? Réconcilier ? Donner du sens ? Mais quel sens ? Il s’agit de rassembler l’Histoire, la mémoire, les témoignages. «  Avez-vous établi au moins une liste des échantillons représentatifs ? Des parts de camembert colorées pour distinguer les cons des salauds ? » Tout ne serait qu’une question de présentation ! Au fond, la réalité ne vaut que par la façon dont on la présente. On peut la manipuler à volonté. Nicolas Juncker crawle à souhait dans la pataugeoire politico mémorielle, jusqu’à se permettre un : «  L’État se mouille à fond ( dans ce dossier ), précédé d’un «  PLAOUF » accompagnant le plongeon d’ un ministre de la culture aux « Intervilles du Patrimoine. »

La vie est un fatras

Magouilles, fric, captation de budget et de subventions, ambitions électorales, le projet de musée ne semble répondre qu’à ces basses visées. Heureusement les témoignages de bords différents redonnent « sens » à l’ensemble. «  La vie est un fatras. La vraie, pas celle qu’on apprend dans vos livres. » Sardou y côtoie Vivaldi.

Nicolas Juncker n’épargne personne. Il décape, s’amuse, parodie.  Les Panama Papers se transforment en Macao Papers. On y retrouve Jérôme Cahozac, Patrick Balbany, Patrick Trahi. Il y aurait même un ministre de la culture soupçonné par la justice. Ce livre dépasse de loin la question d’un musée, les relations entre la France et l’Algérie. Il pose un grand nombre de questions pertinentes qui débordent le récit de ces  151 pages.

La mémoire ? Des posters à 25, 50 ou 80 euros, suivant la taille. «  On ne transmet que des illusions. » On a d’abord parlé des  » événements d’Algérie », puis « d’opérations de maintien de l’ordre » côté Français. De l’autre côté, que sont devenus les premiers Résistants? Pour Camus, né en Algérie :  » Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Le poster, je vous l’emballe?