Yaël Braun-Pivet, « Moi je » et le gigot
29 juillet 2025Il fait meilleur. C’est le deuxième jour d’absence de canicule avant la canicule suivante. Profitons-en pour écouter la radio enfin au frais. Sera-t-il question de guerre en Ukraine, au Proche Orient, de guerre commerciale ? D’une nouvelle trumperie ? Que nenni ! Ce matin (début juillet) c’est Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, détentrice du perchoir qui s’y colle. De quoi contrebalancer et balancer par-dessus bord Pascal et son fameux : « Le moi est haïssable ».
L’effet mitraillette
En 12 minutes environ de temps de parole à la radio, avant échanges avec les auditeurs ( Je n’ai pas eu le courage de réécouter l’émission à son début, ni d’écouter les échanges, le masochisme a des limites), Yaël Braun-Pivet a prononcé 5 fois Je et 13 fois Moi je. Soit un emploi de la première personne toutes les 30 secondes environ. Sans compter d’autres occurrences de cette première personne, sous d’autres formes. Pour quelqu’un qui prône le tout-sur-la-table, le compromis, la discussion, de refus des dogmes, c’est impressionnant. Est-ce une forme d’aveuglement, de naïveté ? À ce niveau de responsabilité la moijeïte peut être redoutable et désastreuse.
Citations
Relevons quelques formulations qui apportent un peu de chair autour de l’auto-squelette.
« Moi j’ai des députés qui déposent des milliers d’amendements et de l’autre côté j’ai d’autres députés qui déposent des motions de rejet…ces motions me plaisent pas…moi je veux du débat. » Serions-nous exclusivement dans l’expression d’une subjectivité, fût-elle bien intentionnée ? Dans l’expression d’un moi adulescent ?
Après la poule au pot, le gigot
« Les Français nous disent quoi ? Ils en ont marre de ces querelles. » Il est alors question des familles françaises qui se réunissent le dimanche pour régler leurs différends autour du gigot. Mais, Yaël, y’a pas beaucoup de familles françaises qui se payent un gigot tous les dimanches. T’as vu le prix ?

Dans le champ de compétence qui est le mien
On a aussi : « Moi j’essaye, à l’Assemblée nationale, dans le champ de compétence qui est le mien… » Mon champ de compétence ? Ce serait trop simple à énoncer ? Et puis ce : « De la même façon, moi les Français me disent plutôt…et moi je trouve à la place qui est la mienne…moi qui rencontre tellement de Français au quotidien, qui me déplace beaucoup…64 déplacements…moi je ne suis pas hyper fan…2 millions d’emplois, c’est 2 millions de personnes que vous sortez du chômage et à qui vous donnez de la qualité de vie… » On croirait entendre Didier Deschamps dire qu’il faut mettre de la qualité dans le jeu. « J’vous mets un peu plus de qualité ? Oui ? »
Y’a un moment où…
« Y’a un moment on est des hommes et des femmes politiques, on doit prendre nos responsabilités. »
« J’ai entendu sur le terrain beaucoup de retraités aisés dire qu’ils veulent contribuer à cet effort[ de redressement des finances du pays], que cet effort ne repose pas uniquement sur nos petits enfants. Nous souhaitons contribuer . » Il s’agit d’accepter la suppression des 10% d’abattement pour frais professionnels. Dans le même temps Madame Braun-Pivet n’était pas favorable à l’imposition supplémentaire de 2% sur les plus riches.
Yaël Braun-Pivet est d’accord pour tout mettre sur la table, à condition qu’il y ait du gigot. Et puis, gâteau sous la cerise, n’oublions pas le fameux accent d’insistance qui, à lui seul, relève du discours performatif : « Cela, ça marrrchhhheeeee !) »
PS
C’est le 3° article que Talpa consacre à l’enflure du moi qui atteint Madame Yaël Braun-Pivet. Attention à la pivéïte! Relevons que Yaël est dans la droite ligne du macronisme, si celle-ci existe : travail collaboratif et en même temps inflammation extrême du moi.
PSpst
En matière de gigot, celui de 7 heures est remarquable. Cuit longuement, le temps d’une séance à l’Assemblée, il est d’une tendreté susceptible de réparer la dureté des débats dans l’hémicycle.