Insights Inside. Exposition
2 mars 2023Blossom Art Agency expose à Annecy. Du 1er au 7 mars 223, 4 rue Camille Dunant, de 10h à 20 h. Une démarche originale que nous expliquent Allison Gay et Jacques Sasson.
Apprendre en construisant ensemble
Jacques — Deux générations différentes, deux parcours différents. Nous nous sommes rejoints pas vraiment sur l’art-chacun en a sa vision- mais sur ce qu’il serait possible de faire sur le marché de l’art. La relation à l’art, la façon de le présenter de manière nomade.
Votre association a une courte existence.
Presque deux ans.
Vous apprenez à marcher.
Nous apprenons en marchant. Allison a une formation plus théorique que la mienne. J’avais une agence de communication. Je suis passé par 7 années d’études d’art auparavant. L’Académie Charpentier, les Arts Décoratifs. Je n’ai pas osé être artiste et, comme beaucoup, je suis rentré en agence de communication.
Allison — J’ai suivi une année d’études aux Beaux Arts d’Annecy. Aux Marquisats.
Être artiste ?
Donc avec Stéphane Sauzedde.
Oui, en 2014, juste après mon bac. Je me suis dit que j’étais plus intéressée par ce que les autres font que par ce que je fais moi-même. Mettre en place des projets avec les autres artistes, présenter leur travail. Je ne me voyais pas devenir artiste.
Vous avez la même forme de retenue ?
Jacques — C’est du réalisme. Être artiste ne se résume pas à la production. C’est aussi un état d’esprit. Un artiste est un chercheur. Il ne sait d’ailleurs pas toujours ce qu’il cherche.
Allison — L’une des artistes que nous exposons ici confond totalement sa vie et son art.
Être ou paraître
Il faut que ce soit une nécessité.
Jacques — Il y a beaucoup de « faux artistes ». Ils ont l’uniforme, l’apparat d’artiste mais ils se contentent de produire des choses. J’aurais peut-être pu le faire, mais je n’avis pas grand-chose à dire lorsque j’étais jeune.
Allison — À 18 ans, je sortais d’un modèle éducatif très cadré. Aux Beaux Arts, c’est l’inverse : on est très libre et maître de ses projets. Mais on ne sait pas encore qui on est. Je faisais de jolies choses sans parvenir à être complètement dedans.
La relation que vous avez avec vos artistes vous révèle en partie à vous-mêmes.
Jacques — D’autant que la construction est permanente. Je continue à douter, à me poser des questions.
« Faire simple »
En tordant un peu la pensée de Merleau-Ponty, l’art serait la seule relation vraie à la réalité, si celle-ci existe. Le reste est du kitsch, des couches de vernis superposées qui figent le réel.
C’est pour cette raison que nous faisons très attention à notre discours. Nous évitons les expressions pompeuses, qui se veulent très intellectuelles mais cachent en réalité une grande vacuité. Nous préférons dire des choses simples. La technique permet cette accroche simple. Après, chaque œuvre est un mystère. Ce que l’artiste y a mis, ou bien son inconscient. Pour les artistes du passé, la contextualisation est importante. Ce qui nous semble évident aujourd’hui pouvait être une transgression au moment de sa création.
Se mettre à la portée du public
Allison — Nous veillons, avec notre communication, à ne pas louper tout un public parfois réticent et non concerné par un type de discours. Je donne des cours sur le marché de l’art à des étudiants de Lyon. Le contenu aborde justement la façon dont on veut communiquer aujourd’hui. On ne s’adresse plus uniquement à une élite. Les textes fermés, avec plein de références artistiques contribuent à maintenir des barrières. C’est pourquoi les gens pensent que les galeries ne sont pas pour eux.
De « l’art à vivre »
Jacques — Allison se sent vraiment bien dans le mode d’exposition que nous inaugurons à Annecy. On y est un peu chez soi. On peut s’asseoir. Parler à haute voix. Sans distance avec l’art. Quand nos artistes nous donnent quelque chose, c’est comme s’ils nous donnaient un morceau d’eux-mêmes. Jean-Louis Hourdin, homme de théâtre, m’a dit un jour à Cluny « Mais alors, vous êtes situationniste, vous ! » Ce qui n’était pas pour lui déplaire. Vous rendez l’art intelligemment populaire, accessible.
Aujourd’hui l’art populaire peut manquer de tenue. Présentation, mise en scène, éclairage, intérêt des œuvres choisies. L’art élitiste est à l’opposé. Nous cherchons une voie médiane. Un peu comme dans une maison d’hôte.
Trouver l’harmonie
Vous cuisinez l’art. Un bon repas est une cohérence dans la diversité. Comment faites-vous l’harmonie de cette exposition ?
Celle-ci est exceptionnelle. C’est une expérience.
Allison — Ce lieu nous a permis de concevoir une exposition qui ressemble à une collection privée dans une maison. Un collectionneur achetant au gré de ses découvertes. Nous avons pensé la scénographie en fonction de ce lieu.
Démocratiser et élargir le marché de l’art intelligemment
Votre organisation nomade est plutôt atypique. Comme la façon dont vous communiquez sur les prix.
Nous expliquons que nous devons payer 20% de TVA. Ensuite il faut payer une galerie, la communication, se déplacer, transporter les œuvres. Et faire que les prix restent abordables pour les gens.
Vous vendez aussi par Internet.
Allison — Le rapport annuel Hiscox sur le marché de l’art en ligne souligne que, depuis le COVID, les gens se sont mis à acheter de l’art en ligne. Ceci permet de toucher un autre type de collectionneurs plus jeunes. Des gens qui n’osent pas passer les portes des galeries. Pourquoi vendre en ligne serait-il moins qualitatif que vendre sur un stand de foire ? Nous cherchons à satisfaire des amateurs d’art en permettant aux artistes de continuer leur activité de création et en nous donnant les moyens de continuer à exposer.