Albert Algoud,le prof qui a sauvé sa vie
31 mai 2023Rencontre grâce à BD Fugue Annecy avec Florence Cestac et Albert Algoud. Il était question de parler de l’album Le prof qui a sauvé sa vie. Nous y somme en partie parvenus, avec les anecdotes incessantes racontées par Albert.
De l’énergie à revendre
Cet album vous montre emporté par une énergie qui déborde tous les cadres, en particulier le cadre scolaire.
J’étais encore jeune (prononcé avec la voix du maréchal….et accompagné de rires). Je n’avais pas la vocation. Il faut d’ailleurs se méfier des vocations quand on voit ce qu’elles donnent, surtout dans le domaine religieux. J’étais prof avec enthousiasme, avec énergie et un certain idéalisme. J’aimais déjà lire quand j’étais enfant. Il n’y avait pas la télé à la maison. J’ai voulu faire partager ce goût pour la lecture. À quoi bon enseigner la grammaire et l’orthographe à quelqu’un qui ne lit pas ? Florence connaît bien Daniel Pennac qui parle des droits imprescriptibles du lecteur.
Le dessin de Florence Cestac
Le dessin de Florence Cestac apporte un allant qui accompagne votre énergie.
Florence dit que si son dessin avait été réaliste, ça n’aurait pas fonctionné. C’est curieux, le réalisme aurait tué la vraisemblance. Le trait de Florence est à la fois précis et burlesque, en allé, très souple. Il donne une grande exactitude dans le rendu des situations et des émotions.
FC — Ce qui est important dans une bande dessinée, c’est le rythme, avant tout. Le lecteur doit avoir envie de tourner la page et d’aller jusqu’au bout.
Ce qui nous mène à un dessin extraordinaire, qui traduit un exploit olympique…
Et radiophonique. En un dessin, Florence résume une situation, une aventure, avec ses précédents, ses conséquences.
Cet exploit sexuel est un concentré d’énergie, d’enthousiasme qui explose.
FC — Une grande giclée ! (rires)
Dommage Éliane
Une incidente à ce moment, pour expliquer l’origine de l’expression souvent reprise « Dommage Éliane. Une maquilleuse avait une copine à laquelle elle dit un jour au téléphone « Dommage Éliane ».Comme on écrivait toujours nos sketches cinq minutes avant de les tourner, avec Karl Zéro, ils tournaient en eau de boudin. J’étais systématiquement privé de permission pour rejoindre ma fiancée Éliane. D’où cette formule récurrente.
Le goût du grotesque et du burlesque
Pourquoi ce besoin d’incarner plusieurs personnages ?
C’est tout simplement le plaisir de faire le crétin. Ma sœur a même retrouvé une photo sur laquelle j’ai dix ans. Je fais le salut nazi, je porte le casque à pointe. C’est le goût du grotesque et du burlesque. Le maréchal Ganache, c’est beaucoup ma grand-mère. Elle était très drôle et très réac.
Difficile de mener une interview avec Albert Algoud. La conversation déborde d’anecdotes. La mémoire fonctionne en créant sans cesse de nouveaux liens. Un tourbillon !
Un rire bon enfant
Il y a le personnage de Rika Zaraï, parmi les autres, François François… J’avais pris des bains de siège alors que Rika était invitée, ce jour-là. Je m’appelais Zika Racaille. C’était bon enfant, elle se marrait. Ce n’était pas la situation où tu as un invité qui est humilié mais qui accepte hypocritement de l’être. Je pense à Gerra sur RTL. Sarkozy riant aux larmes, Hollande… S’attaquer indifféremment à toutes ces personnes, ça n’a plus aucune valeur subversive. L’invité est même mis en valeur puisqu’il rit et montre qu’il est au-dessus des moqueries.
L’art de la digression
Vous êtes poussé par la curiosité, le besoin de rencontres. Votre carrière a progressé de cette façon.
FC — À cette époque, on se rencontrait tous. Les milieux se mélangeaient, BD, radio, télé. Il y avait des fêtes communes.
Anecdotes encore.
Florence, comment avez-vous réussi à travailler avec Albert ? Il est inarrêtable !
Il m’avait donné un manuscrit comme ça ! On aurait pu en faire un bottin. J’ai trié, éliminé pas mal et gardé le principal. Je lui demandais en permanence si la progression lui convenait.
On a l’impression que si on ne vous cadre pas un peu, ça peut partir dans tous les sens.
C’est ce que dit ma femme. « Arrête tes digressions, tu me fatigues. »
La digression devient l’axe principal du discours.
Oui, on inverse. Je reviens à l’album. Il est formidable, j’en suis très heureux. Il était précieux pour moi de retranscrire cette période.