Discours et pensée

Discours et pensée

29 octobre 2024 0 Par Paul Rassat

Discours et pensée procèdent confusément dans leur phase de création. L’ordre et la structure les figent.

«  Nos ancêtres avaient de bonnes raisons de créer cet ordre-là et nous avons de bonnes raisons de l’abolir ».

«  Quand on en parle, cela devient plausible, mais quand on y pense, on trouve que c’est faux. Le premier coup d’œil que je jette en esprit sur quelque chose est très important. Notre esprit saisit obscurément la chose par tous ses côtés, ce qui est souvent plus précieux que de la saisir clairement par un seul. »

Heinrich von Kleist L’élaboration de la pensée par le discours

« …tu réponds que l’on t’a engagé dans ta jeunesse à ne parler que des choses que tu comprends. Mais dans ce cas tu parles avec la prétention d’instruire les autres, et moi je veux que tu parles dans l’intention raisonnable de  t’instruire toi-même : ainsi les deux règles de sagesse, qui s’appliquent à des cas différents, pourraient peut-être subsister l’une à côté de l’autre. Le Français dit que l’appétit vient en mangeant, et ce principe expérimental reste vrai si on le parodie en disant que l’idée vient en parlant…C’est une chose toute différente lorsqu’avant tout discours la pensée est déjà achevée dans l’esprit. Alors l’esprit n’est occupé que d’expression et ce travail, loin de le stimuler, a plutôt pour effet de calmer son excitation.

Confondre et confondre

    …Si donc une idée est exprimée confusément, il n’en résulte pas du tout qu’elle ait été pensée de même : il ne serait pas impossible que les idées les plus confusément exprimées fussent les plus clairement pensées… »

À mettre en regard du fameux « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » de Boileau.

La précision qui confond en respectant

Les statistiques, les data et l’intelligence artificielle ratissent tellement large pour mouliner les données qu’il en sort, paraît-il, des résultats indiscutables. Une nouvelle réalité ! Cette nouvelle soupe malaxe tellement tous les ingrédients que les particularités s’y dissolvent dans un goût médiocre qui confond tout. Loin de la perfection artistique du bœuf en gelée qu’évoque Proust : « Le bœuf froid aux carottes fit son apparition, couché par le Michel-Ange de notre cuisine sur d’énormes cristaux de gelée pareils à des blocs de quartz transparent… une daube de bœuf où la gelée ne sente pas la colle, et où le bœuf ait pris parfum des carottes, c’est admirable ! »

L’art de la politique

L’art de la politique devrait être une politique de l’art. Dans le bœuf proustien, chaque ingrédient demeure pleinement lui-même alors qu’il est pris dans la recette et dans la gelée. Il ne disparaît pas dans une purée de goûts donnant une impression médiane et médiocre. L’art de la politique devrait respecter chaque ingrédient dans une recette qui mette en valeur et en harmonie tous les composants. À l’inverse d’un plat dont la précision technique anéantit le goût.

PS

La photo illustre un contre exemple : un discours de Dakar préparé mais totalement confus quant au contenu et aux références.