Doléances
14 novembre 2024 0 Par Paul RassatMichel Barnier annonce qu’il va se plonger dans les cahiers de doléances des Gilets Jaunes. Ceci mérite que nous nous plongions dans le sens du mot cahier : « Feuille qui, après pliage, forme un tout cohérent, en format définitif de l’imprimé…Assemblage de feuilles de papier pliées les unes dans les autres, agrafées ou cousues ensemble, et destinées à recevoir des écrits. »
L’étymologie nous apprend que le cahier vient du pliage en quatre, ou de l’assemblage initial de quatre pages. Ajoutons le côté très scolaire du cahier. Le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire prend toute sa force poétique en partie grâce au choix de son titre. En tout cas, ceux qui rédigent des cahiers savent se mettre en quatre ! Ils savent aussi se plier aux nécessaires exigences.
Doléance
La doléance, elle, est « Souffrance, état pénible incitant à se plaindre…Plainte orale ou écrite exposant un grief, afin d’obtenir réparation, ou seulement de faire connaître un malheur, une infortune. » Elle vient du verbe douloir et de la douleur.
Négocier la douleur ?
Souvenir d’une conversation avec ce représentant de l’État exemplaire et très humain qui dénonçait cependant le manque d’organisation des Gilets Jaunes interdisant toute négociation avec eux. La douleur se négocie-t-elle ? Permet-elle de négocier ?
Outils de travail
Le trou de 60 milliards dans le budget du pays serait passé sous les radars parce que nous n’aurions pas eu les bons outils pour analyser la situation économique. On disait autrefois qu’un mauvais ouvrier a de mauvais outils. De mauvais outils dénoncent-ils le mauvais ouvrier ? On peut penser que les cahiers de doléances du 18° siècle et ceux des Gilets Jaunes constituent d’excellents outils de travail.
Le Quart État
Dans Le capitalisme expliqué à ma petite-fille (en espérant qu’elle en verra la fin) Jean Ziegler rappelle une doléance, datée du 4 octobre 1789 :
« Nos seigneurs…Les pauvres et les mendiants du royaume de France, entièrement séparés de vos Seigneuries, auraient le droit de prétendre former un quatrième ordre dans l’État. Nul n’aurait comme lui autant de sujets de se plaindre et des redressements de griefs aussi nombreux à demander. Tous les droits qu’ils tiennent de la Providence suprême ont été violés. Mais l’admission de notre ordre aux États Généraux, tout équitable qu’elle serait, ne ferait qu’embarrasser la marche de ses délibérations…
Vos seigneuries, choquées de voir réunis ensemble les deux extrêmes et les intermédiaires de la société, trouveraient notre nudité révoltante, nos haillons ignobles et dégoûtants et craindraient la contagion de la vermine qui nous couvre…Mais lorsque nous renonçons en votre faveur aux droits le plus naturel et le plus légitime, daignez au moins vous charger de la défense de nos droits ».
Bien remplir ses cahiers est un devoir
Il serait peut-être bon que nos élus et responsables politiques aillent enfin farfouiller dans les cahiers de doléances d’un peuple tenu de croire encore un peu à la démocratie. Il serait peut-être bon de ne pas se foutre du tiers comme du quatre de ceux qui forment un Quart État qui serait tiré par la cordée alors qu’ils la constituent. Et pendant ce temps, nos représentants font assaut de stratégies bidon pour prendre, garder, accaparer, partager le pouvoir.
Devraient plutôt faire leurs devoirs consciencieusement sur des cahiers bien pliés.
Élucubrations
« Sois sage, ô ma Douleur…. »
On entendait ce matin 11 novembre Jean-François Copé expliquer la victoire de Donald Trump : le peuple a besoin de leadership, d’ordre… » « Sois sage, ô ma douleur… »