Les trottoirs de Buenos Aires

Les trottoirs de Buenos Aires

9 février 2025 Non Par Paul Rassat

Les nourritures artistiques, humaines et terrestres entretiennent le séjour de Jean-Pierre Montmasson à Buenos Aires. Les gens, la musique, les trottoirs, les cafés tissent des ponts.

« On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d’Alger pour apprendre à marcher
Être né quelque part
Être né quelque part, pour celui qui est né
C’est toujours un hasard… » chante Maxime Le Forestier.

Les trottoirs…Très tard, hier soir via Bolivar devant la boutique Vintage de ma devenue amie Rosana.  Comme je suis en quête d’achat d’un bandonéon elle a fait venir un professeur spécialement. Les trottoirs toujours, lieu de métissages d’instruments et de rencontres.

Je vous embrasse, depuis ce Trottoir de Buenos Aires.

El Portego

Ne pas oublier les nourritures du corps. 600 grammes de très bonne viande, tenue au chaud dans un récipient spécialement adapté, légumes, pommes de terre. Les nourritures terrestres sont en harmonie avec les nourritures humaines. Troisième mi temps après le match au Huracan stadium sur invitation de mes amis vintage Rosana et Danièle. Sur les trottoirs de San Telmo, tango à gogo.

Tango, Malbec, ça tangue mais en harmonie avec la ville et avec les gens.

— Jean-Pierre a emporté à Buenos Aires son livre d’aquarelles. Il laissera un peu de lui en Argentine, et rapportera à Annecy quelque chose de là-bas. D’après Andrea Marcolongo dans son Étymologies pour survivre au chaos, le voyage n’est pas le déplacement géographique d’un point à un autre. Le mot vient du latin viaticum, viatique, « tout ce qu’il faut pour voyager ». Le voyage est donc autant sinon plus un état d’esprit, une disposition à l’aventure que le déplacement géographique. Une sorte d’échange entre soi et soi grâce à la rencontre des autres. Le voyage est «  une vacance de nous-mêmes »

Depuis hier j’ai changé de quartier; hier a el Tigre dans l’embouchure du Rio Parana, à l’ouest du Rio de la Plata. Aujourd’hui le vieux quartier des immigrés de La Bocca pour 4 à 5 jours. Quartier un peu dangereux jour et nuit. Je teste avec mon amie Renata, multimétissée: mère Serbe, née au Panama, a vécu à Brasilia, habite maintenant ici à San Telmo. Mes carnets se remplissent d’aquarelles, de notes. Les cafés, bars et restos divers sont des lieux de rencontres privilégiés avec les trottoirs à tangos. Le souvenir de Borges habite l’un de mes bars préférés.

Reste des tas de lieux où s’égarer. Rarement une grande mégalopole a aussi bien répondu à mes attentes, au monde que je transporte, réel et imaginaire entrelacés.

Bar années 50, dont les miroirs non déformants respectent la réalité. Journal du jour qui glorifie le mythe Messi et aquarelle personnelle, interprétation de la réalité. C’est la ronde éternelle !

Décidément, le bandonéon est l’un des fils conducteurs de mon escale à Buenos Aires. Deux musiciens m’ont rejoint sur un trottoir défoncé  pour démarrer des tangos à coups de soufflets, comme aurait pu l’écrire Albert Simonin. De mon port d’attache qu’est cette boutique Vintage où je l’ai trouvé par hasard, l’ instrument rythme mes rencontres, mes découvertes.

Les correspondances entre l’imaginaire du voyage et la réalité vécue transportent le voyageur. Ici, l’accord est plus que total. La réalité dépasse l’objet du voyage, dépasse l’essence même de celui ci et me porte au delà de cette réalité…

À bord de deux ponts transbordeurs que sillonnent des camions chargés de containers pesant 45 tonnes. Tout vibre ! Le corps, l’esprit…Après la musique des trottoirs, celle de ces gigantesques structures.

Video renversante — Il y a quelques années, Kenneth White avait bien voulu répondre à des questions d’avant Talpa Mag. Voici quelques lignes de sa main : « Le nomade intellectuel traverse des territoires, à la recherche de foyers de culture perdus, et entretient un contact à la fois intelligent et sensible avec notre monde terraqué, qui est autrement plus complexe que ce nous appelons, pauvrement, environnement. »

Jean-Pierre, avec ses rencontres, retrouve l’esprit des migrants, la musique des gens et des lieux.