Voie verte

Voie verte

13 mars 2025 Non Par Paul Rassat

« Elle est verte ma voie, elle est verte ! » Depuis la Gaule que nous avons gardée malgré Jules César, le souci écologique nous anime. Déjà Ordralfabétix s’égosillait : « Il est frais  mon poisson, il est frais ! » C’est dire.

Le long du lac d’Annecy s’élargit à grands frais la piste cyclable devenue désormais voie verte. L’appellation sonne mieux. Cette entreprise éminemment écologique devrait permettre aux cyclistes, rolleristes, trottinettistes, poussettistes et…piétons de quitter la ville d’Annecy et de se déplacer en toute sécurité, que ce soit dans le cadre d’une « mobilité douce » (Elle est douce ma mobilité, elle est douce !) ou bien dans un but touristique de découverte bucolique et lacustre. Et la même voie verte devrait permettre aux usagers de regagner leur domicile dans un sens ou dans un autre.

Vraiment verte ?

Une voie verte ? On aurait pu s’attendre à une promenade réellement verte, arborée et fleurie, dans le respect du cadre naturel. Que nenni ! On goudronne le ruban élargi afin de dérouler un tapis uniforme qui accumulera la chaleur au détriment du cadre naturel. Nos élus répètent à l’envi que la ville d’Annecy sera bientôt la plus chaude de France, et ils participent à ce réchauffement  pendant qu’ils végétalisent les cours d’école et s’en font une gloriole. La ville dégueule sur sa périphérie au mépris des riverains de la « voie verte ».

L’omelette, les œufs, la poule

Au début des travaux d’élargissement vinrent sur la piste et pour la photo nos élus, le président du département, le président du SILA, le chargé de ceci, la chargée de cela…et puis s’en furent la photo prise. On lut dans la presse locale combien cher coûtaient les travaux et que, s’il y avait des mécontents, «  On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. » Beau cliché qui épargne toute réflexion véritable, formule vide d’autant plus que l’on pourrait se demander qui, de la poule et de l’œuf…Mais ça nous mènerait trop loin et nos élus n’étaient pas venus pour ça.

Un raté dans la voie

En riverain de la piste cyclable devenue voie verte élargie et regoudronnée, je me suis demandé si j’avais raté une étape. Aurais-je manqué des réunions d’information, des réunions de concertation ? L’écologie est d’abord humaine : le respect de la nature et le respect des gens sont indissociables. Mais non, renseignements pris, il n’y a pas eu de réunions, ni d’information ni de concertation. Ni pour les riverains ni pour les élus des communes concernées par les travaux.

La démocratie consiste à déléguer son pouvoir de citoyen à un représentant. Il y a souvent des ratés . « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes », disait Churchill. Ajoutons que le premier objectif d’un système est de se perpétuer, de se conserver. C’est ce que semble faire le Syndicat Mixte du Lac d’Annecy, le SILA qui gère ce tour du lac par délégation des communes concernées. Le SILA confond gestion et direction autoritaire. Comment se fait-il que ses employés soient ouverts d’esprit, disponibles pour la conversation et que  le fonctionnement de la structure soit si rigide?

Avoir des mots pour s’entendre

On pourrait répondre que le SILA gère l’espace dans l’intérêt public et que celui-ci est supérieur aux intérêts particuliers. Cela s’entend. Mais au-delà de l’intérêt public, il y a un bien commun. Les mots ont un sens. Le passage de l’expression « Les gardiens de la paix » aux « forces de l’ordre » est aussi significatif.

Passer par des agences pour agencer

Il paraît que certains représentants du peuple ont dû batailler ferme pour être, un peu, entendus. Il aurait été question, par exemple, de faire condamner tous les portillons privés ouvrant un accès vers la voie verte qui serait devenue une sorte d’autoroute inaccessible aux riverains. Incroyable, non ! Nos décideurs d’en haut s’en seraient remis à une agence décidant de tout au mépris de toute concertation. Certaines mauvaises langues disent ( à vérifier) que le plan de circulation de la ville d’Annecy aurait été établi par la même agence qui a œuvré à Barcelone. Une sorte de copier/coller. Réfléchir demande parfois trop d’efforts. Pour la « Halle Gourmande » ( on s’en pourlèche les babines par avance), la même ville d’Annecy à fait appel à Biltoki !

Goudronnons, élargissons et nommons le résultat «  Voie verte » afin de faire passer le bitume. Ici on apaise la circulation, là on goudronne en vert et contre tout. Ce qui se passe à Annecy et autour du lac est malheureusement l’illustration d’une absence de pensée véritable. On est « vert » parce que c’est tendance, c’est porteur. Alors on croit bien faire en suivant la tendance, mais sans réflexion de fond. C’est ici que l’on retrouve Christian Morel et Les décisions absurdes ou bien Maya Beauvallet et Les stratégies absurdes. En élargissant on fait le contraire de ce que préconisait le docteur Servettaz, en goudronnant on marche sur la tête.