Les Grandes Heures de Cluny

Les Grandes Heures de Cluny

14 juin 2025 0 Par Paul Rassat

Rencontre avec la présidente des Grandes Heures de Cluny, Patricia Cottavoz, pour évoquer l’édition 2025 et la situer dans une évolution maîtrisée, à la fois exigeante et populaire.

Les Grandes Heures. L’appellation renvoie aux prières, aux divinités mythologiques qui marquent les saisons, aux livres d’heures comme celui du duc de Berry.

On doit la création du Festival des Grandes Heures aux Amis de Cluny qui fêtent leurs 80 ans. Certains notables de l’association avaient décidé de mettre en lumière les pierres qu’ils étaient en train de restaurer. Il y a un lien très étroit avec l’Abbaye. Le cheval de bataille des Amis de Cluny est de récolter des fonds pour aider à la restauration ou la conservation du patrimoine exceptionnel de Cluny…en plus de l’aide de l’État.

En 1967, ils ont eu l’idée de créer un concert à l’abbaye. C’est le début des Grandes Heures de Cluny (dont le nom est peut-être le moyen de magnifier les heures de musique ?).

Depuis une quinzaine d’années ont été créées Les Petites Minutes avec au début des petits concerts gratuits. Depuis 2022, j’essaye de démocratiser la musique classique, on passe de répétitions à des conférences ou encore des rencontres avec les artistes de renom, qu’ils offrent un peu comme des apéritifs musicaux. Il était possible de craindre que le public ne vienne qu’aux prestations gratuites. Elles ont d’ailleurs eu peu de succès les premières années, pour passer en 2023 à 900 puis à 1200 spectateurs l’an dernier.  Ils réservent leurs places pour les concerts mais viennent avant pour voir l’envers du décor.

Mon credo est de rendre populaire et accessible la musique classique. Cluny accueille des familles de touristes avec des enfants. Les Petite Minutes et la gratuité aux concerts pour les moins de 18 ans y contribuent grandement. La culture populaire doit être exigeante et accessible. Les artistes reconnus internationalement aiment aussi avoir un public familial et pas uniquement d’initiés. J’ai contribué à insérer de la jeunesse parmi les artistes que nous accueillons, et ceux-ci aiment parler au public. Cela participe aussi à la démocratisation de la musique classique, démocratisation qui n’est pas soutenue par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Il faudrait pour y parvenir associer la musique classique et le hip hop, par exemple, pour entrer davantage dans la conception que se font de l’art vivant les instances culturelles.

En tout début de Festival interviennent des musiciens en présence d’élèves de maternelle, de primaire, de collèges privé et public de Cluny, du Clunisois. Plus de 600 personnes ont eu accès à de la musique gracieusement en mai 2025.

Pour beaucoup, le classique est un peu figé, froid. Sur le « flyer » de cette année, l’expression Passionnément classique apparait comme un oxymore.

D’où l’affiche. On y voit une jeune cantatrice dans un éclat de lumière. La couleur l’unit à l’instrument de musique.

Cette sensualité se retrouve dans les intitulés du programme : Ornements baroques, Rêveries, Voyageur, Imaginaire, Mouvements… En quelques mots tout un univers est esquissé, ouvert. On voyage déjà.

Ornements baroques va nous faire voyager par la voix d’une soprano et d’un ténor pour nous emmener au temps jadis. On va ressortir avec la perruque talquée ! Cette programmation permet de « révolutionner tranquillement ». C’est ma quatrième saison à la tête des Grandes Heures, le public commence à me suivre. Ma carrière de danseuse, et toute celle qui a suivi, m’a appris l’esprit de troupe, d’équipe, que je transpose avec celle du Festival, les permanents, le CA et les bénévoles ainsi qu’avec le public.

Pas mal d’artistes disent qu’ils sont des antennes, des passeurs. Ils mettent leur ego-qui existe bel et bien-au service de la création.

L’ego est tourné vers soi, vers ses propres exigences vis-à-vis de soi-même. Ceci entraîne une réflexion permanente pour s’améliorer. Cet esprit imprègne maintenant toute notre équipe.

Comment définiriez-vous ce Festival ? Qu’est-ce qui le différencie des autres festivals de musique classique ?

Il ne se déroule pas dans un lieu unique. Nous voyageons entre l’abbaye et les églises de Cluny. Le festival n’est pas consacré à un instrument, comme par exemple La Roque-d’Anthéron avec le piano. Nous avons donc une pluralité de lieux, pluralité d’instruments et aussi d’époques. L’éventail est varié : des instruments à vent, un orchestre, un trio avec du chant…c’est un jeu d’équilibre assez subtil. La danse a été présente les trois années précédentes, avec une création musique et danse en 2024. Elle n’a pas pu être présente cette année, mais pourquoi pas deux spectacles l’année prochaine ? On verra. Le tout est de ne pas rester figé. À la pluralité déjà évoquée s’ajoute le mélange d’artistes chevronnés et de tout jeunes comme Chelsea Marilyn Zurflüh qui est représentée sur l’affiche de cette 58 ème édition et qui vient juste d’obtenir plusieurs grands prix internationaux.

Au départ mon carnet d’adresses a facilité les contacts ; maintenant s’y ajoute l’expérience des trois éditions précédentes. Nous sommes de plus en plus sollicités.

À quoi mesure-t-on qu’une édition est réussie ?

Pour moi le public doit être familial afin que l’âge moyen des spectateurs rajeunisse, inversant la tendance nationale actuelle. Et il faut que ce public venu à une première soirée revienne une autre fois. La rencontre avec des partenaires vignerons et leurs produits, en fin de soirée, ajoute à la convivialité, l’échange avec les artistes.

Le programme https://www.grandesheuresdecluny.com/concerts

Comme Patricia déborde d’énergie et d’idées, il est bien sûr question de la 60 ème édition qui se profile. Nous en reparlerons.