Le discours et la réalité

Le discours et la réalité

3 juillet 2025 0 Par Paul Rassat

Dans Le laboureur et les mangeurs de vent, Liberté intérieure et confortable servitude, Boris Cyrulnik écrit, sous l’intertitre Donner forme verbale… : « Les psychanalystes nomment ce phénomène « rationalisation », quand un sujet qui soudain se sent triste sans raison donne une forme verbale à son accablement. C’est un « procédé » par lequel une personne déprimée cherche à donner une explication cohérente…à un sentiment dont les motifs véritables ne sont pas aperçus » (Laplanche J, Pontalis J.B Vocabulaire de psychanalyse). On est loin de la pensée du laboureur qui sait de quoi il parle…Quand on rationalise, on ne sait pas pourquoi on est séduit ou repoussé par une personne ou par une théorie. Ignorer l’origine d’une attirance ou d’une répulsion n’empêche pas de lui donner une forme raisonnable, cohérente.[ Le discours et la réalité diffèrent ; le premier peut aveugler]

Aveuglement collectif

On peut ainsi se convaincre soi-même et entraîner ceux qui rationalisent comme nous en affirmant qu’on tient la vérité. Notre discours cohérent permet de réciter, tous ensemble , les mêmes rationalisations : « Ce que je dis est vrai puisque j’emploie les mêmes mots que cet homme que j’admire » pourrait dire le mangeur de vent. »

Dire le réel ou ce que nous en percevons

La rationalisation ne dit pas le réel mais la façon dont nous le percevons. «  Certains propos sont de longues plaintes où le sujet ne cesse de trouver des raisons pour expliquer son malheur, mais ces raisons ne sont pas les causes. D’autres exposés sont des règlements de compte où l’auteur parle pour se venger du malheur qu’il attribue à un autre. »

La force du discours

Pour Boris Cyrulnik l’autobiographie peut prendre cette forme de plaidoyer. Les discours politiques des dictateurs relèvent de cet exercice oratoire : il s’agit de se présenter comme le sauveur face à l’ennemi de l’intérieur ou de l’extérieur. « …grâce à cette recette, un grand nombre de dictateurs ont été aimés et élus démocratiquement…On est sincère quand on se laisse embarquer par les récits qui, comme un projecteur, donnent à voir ce qu’ils éclairent. C’est pourquoi on éprouve comme une évidence la nécessité d’éliminer ceux qui ne voient pas le même monde que nous. »

Discours, logorrhée, baratin…

Classez par ordre de gravité, du plus insignifiant au plus délétère les types de discours suivants, présentés ici dans le plus grand désordre :

Les parénèses ou homélies de Bayrou, la logorrhée de Trump, les charges de Mélenchon ou du RN, le « narratif de Poutine, les harangues de Netanyahu, les imprécations iraniennes. Blabla ici, baratin là, boniment ailleurs.