Chris Esquerre, le rire en partage
27 septembre 2021Chris Esquerre sera au Quai des Arts de Rumilly le vendredi 1er octobre. Talpa Mag a creusé la question du rire avec l’humoriste.
Travailler le rire
Chris Esquerre, vous faites rire sans être Belge. Vous n’êtes pas non plus de la bande à Jamel. Comment arrivez-vous à surmonter ces handicaps ?
Je procède à la normande, avec mes petits bras musclés.
Vous gagnez votre vie en faisant rire. Cela ne travaille pas votre conscience ?
Pas du tout. Ça demande beaucoup de travail ! Je n’ai jamais vécu le syndrome de l’imposteur que peuvent ressentir des collègues ou des artistes.
Être soi
L’humour que vous pratiquez depuis le début de votre carrière a-t-il dû évoluer ?
Si on fait bien son métier, on fait ce qu’on a envie d’être. C’est d’abord une affaire personnelle. Il s’agit de trouver des idées incongrues qui vont surprendre les gens et les faire rire. C’est aussi reconstituer sur scène des moments où l’on a été drôle malgré soi. Le travail du comique consiste à identifier en quoi il a été ridicule et à le refaire sur scène sans avoir l’air de le refaire. Il faut être soi-même dans la partie la plus risible et la plus grotesque. Garder sur scène ce que l’on gomme généralement en public. En étant vraiment soi, on peut montrer ce qui est en chacun de nous. Je n’ai donc pas eu à modifier au fil du temps ce que je propose sur scène : c’est moi, moi que je polis comme un bijou (éclat de rire). N’ayant pas de positionnement, je n’ai pas eu à en changer.
Le rire partagé
On fait généralement la distinction entre le rire pour se moquer et le rire partagé.
Le rire pour se moquer est à la portée de beaucoup de monde. Quand on est jeune, en classe, on se moque des autres parce que l’on ne sait pas vraiment comment s’y prendre pour faire rire. Il faut partir de soi, de sa part ridicule et faire faire la moitié du chemin au spectateur. J’avance une idée et je fais l’hypothèse que l’autre complète ce qui est non dit. C’est le chemin qu’il fait lui-même qui doit l’amener à rire. Je fais travailler le public ! Le corollaire consiste à ne pas s’appesantir, à ne pas marquer les moments où il faut rire et à laisser le public libre de réagir.
De l’impérieuse nécessité de rire lorsque l’on naît dans une famille d’enseignants
Ce chemin parcouru ensemble ressemble un peu à une thérapie.
C’est un peu comme une consultation géante, oui.
Une thérapie contre le handicap supplémentaire d’une bonne critique dans Télérama.
(Rires). Ça n’a pas toujours été le cas. La première n’avait pas été aussi bonne. Cette évolution me ravit puisque je viens d’une famille où on lisait Télérama.
Télérama , France Inter et le service public…
Oui, le kit complet. J’ai appris le français avec le catalogue de la Camif aux toilettes.
Le besoin d’aller régulièrement à la scène
Puisque le rire se partage, il y a cette nécessité de la scène. Vous avez dit que faire de l’humour uniquement à la télé vous donne « le sentiment d’être un cosmonaute qui reste au sol dans sa tenue. » Vous êtes donc le Thomas Pesquet de l’humour ? Et vous arriverez au Quai des Arts de Rumilly par le train ?
Je vais très modestement venir en train. J’ai commencé à la radio, puis à la télévision. On y fait rire, bien sûr, mais il manque quand même quelque chose. Et puis c’est un peu moins courageux. La scène est le cœur du métier ! C’est le spectacle vivant. Monter sur scène devient une sorte d’obligation morale que je ne ressentais pas au début. Associée à l’idée que je pratique un métier assez louche : parler pendant une heure vingt à un public plongé dans le noir.
Des vertus des lentilles
Malgré tout vos parents enseignants sont-ils fiers de vous ?
Je crois, oui. Leur inquiétude du début a disparu.
Où piochez-vous votre inspiration ?
Dans un train, en mangeant un plat de lentilles avec monsieur le maire, sous la douche…de manière fortuite. Puisque nous parlons de train, voyager, aller à Rumilly, par exemple, me permet de m’aérer.
La discussion porte alors sur les ouvrages de philosophie analysant très sérieusement le rire et ses mécanismes. Chris Esquerre les trouve souvent rasoir et leur préfère la pratique, l’évidence du rire. Le partage ?