Eau Neige et Glace, Fondation qui a de la suite dans les idées
13 décembre 2021Rencontre avec Serge Martinot , président fondateur de la structure.
Le 18 novembre a eu lieu notre conseil exécutif annuel. Il a été double puisque celui de 2020 n’avait pas pu se tenir. Nous fêtions les 12 ans de création de la Fondation Eau Neige et Glace. Nous avions réuni à la suite de ce conseil les mécènes, les récipiendaires de nos décisions et des invités.
[ La photo a été prise par Jean-Marc Favre]
Plaisir de se retrouver et prospective
On a pu constater qu’il y a un réel plaisir à se retrouver, à travailler ensemble, à continuer des projets et à en créer.
D’autant plus qu’en 2019, lorsque nous avions fêté nos dix ans, nous avions pensé faire la prospective pour les dix ans à venir, préparer le développement de la Fondation dans ce sens. Le COVID a arrêté le financement puisque les entreprises subissaient trop de contraintes. Nous en avons profité pour mener notre prospective, recentrer notre message sur l’utilité de la Fondation. Nous avons pu cependant développer petit à petit des contacts pour de prochains mécénats. Nous en avons profité aussi pour suivre d’encore plus près les projets menés depuis plusieurs années.
La Fondation atteint l’âge de la maturité
Cette projection à plus long terme permet d’orienter notre démarche de manière plus pertinente.. Notre objectif de départ était de mieux préserver l’eau de nos montagnes. C’était « gentil ». En dix ans de travail, d’étude, a émergé le thème de la préservation de la qualité de l’eau. On parle beaucoup de la quantité de l’eau, celle des glaciers qui fondent. Le discours dominant nous enjoint d’économiser l’eau, de fermer nos robinets. Il faut le faire, oui, mais ce n’est pas vraiment le problème, surtout dans nos régions. En revanche, il faut se demander ce que l’on met dans les eaux à usage domestique, industriel. Et savoir ce qu’on en fait après usage. Des professionnels gèrent tout ceci dans les stations d’épuration. Tout, cependant n’est pas filtré, les micropolluants en particulier qui partent dans la nature, puis dans le cycle de l’eau.
Remonter à la source
Depuis deux ans existe un projet qui consiste à aller chercher les microparticules de plastique dans les lacs d’altitude. On en trouve alors qu’il n’y a pas de présence humaine. On se rend compte que le grand cycle de l’eau, et donc de la vie, commence à être souillé à la source.
Passer du bon réflexe à la vraie prise de conscience
Ceci induit des problèmes à très long terme.
On ne les appréhende encore pas tous. Les glaciologues nous avertissent depuis 30 ans que les glaciers fondent et il nous a fallu tout ce temps pour commencer à en parler à la télé ! L’eau, elle, est tellement partout, dans notre vocabulaire au point qu’elle est intégrée à notre subconscient. C’est pourquoi on ne s’en occupe pas suffisamment. Je pense que notre adaptation au réchauffement climatique va passer par la conscientisation des propriétés de l’eau qui va permettre les progrès nécessaires. Beaucoup d’entre nous avons les bons gestes pour agir en bout de chaîne-fermer le robinet, ramasser les plastiques-mais la prise de conscience globale doit encore se développer. Ne pas gaspiller l’eau est évident. Y ajouter du white spirit pour nettoyer un pinceau, par exemple, pose un problème. Personne n’y pense parce que l’on considère que ça va être géré après. Or ça ne l’est pas.
Enclencher un processus vertueux
Ce qui nous ramène au rôle de la Fondation. Parfois les gens adoptent un comportement parce qu’il est tendance, mais sans avoir réellement réfléchi. La Fondation agit tous azimuts et permet une approche globale.
Nous avons structuré la Fondation de manière à avoir des projets scientifiques, pédagogiques, culturels qui traitent de l’eau sous tous ses états afin de la restituer aussi pure que possible dans le cycle. La nature le fait depuis toujours. Les hommes ne le font plus depuis 200 ans. Depuis l’utilisation intensive du charbon, des énergies fossiles et l’apparition de la pétrochimie. Il ne faut pas nier, ni rejeter le progrès, mais on doit pouvoir revenir à un cycle de l’eau vertueux en 50 ans grâce aux outils modernes. Le rôle de la Fondation est d’enclencher le mouvement et la prise de conscience nécessaires.
« L’écologie doit être fun », affirme Jean-Louis Étienne
Plus que la contrainte ou la punition, l’éducation, la responsabilisation peuvent être efficaces.
On se heurte encore trop à ce carcan culpabilisateur. La Fondation finance des gens sur le terrain, qui font des choses positives. Vulgariser leur action montre que c’est possible. Chacun peut prendre conscience qu’il peut faire des progrès, d’autant plus que nous utilisons tous de l’eau.
L’eau véritable source de la vie, pour chacun de nous
L’eau nous réunit tous, comme l’air.
Elle est plus importante encore que l’air puisque celui-ci est produit par la végétation terrestre mais encore davantage par les algues marines. Les actions pour préserver l’eau posent un problème lié au niveau de décision et d’intervention. Les grandes décisions prises par les États ou les COPS sont difficiles à mettre en œuvre. Il s’agit plus de règlements que d’outils capables de changer la conscience des gens. Si celle si évolue sur le plan personnel ou de structures trop petites, elle ne peut pas s’inscrire dans le temps. Il est nécessaire que tous les niveaux soient en cohérence, de celui de la personne jusqu’au plan international.
L’effet boomerang de la pollution
La Fondation agit à un niveau régional lié au relief qui relie France, Suisse et Italie. Les gens qui habitent ces massifs montagneux ont les mêmes motivations, les mêmes façons de procéder. Nous finançons un projet sur les micro-plastiques qui touche tout le pourtour du massif du Mont Blanc. Projet d’autant plus significatif que c’est bien l’homme qui fabrique le plastique et qui est responsable de cette pollution qui lui revient dans un effet boomerang. Même si ces micros-particules sont encore à l’état de traces, elles prouvent qu’il faut agir dès maintenant.
Ce sujet peut nous entraîner très loin. Le plastique est lié à un mode de consommation, donc à des modèles économique, politique.
L’eau est un fil conducteur, effectivement. Faisons déjà à petite échelle des choses reproductibles par tous. Retrouvons ce qui se fait déjà et faisons-le connaître pur lancer un mouvement en cascade et à échelle universelle.
Un projet révélateur lié au Mont Veyrier
Revenons à un niveau très local. Cette action qui va se faire au Mont Veyrier. Il s’agit de récupérer les déchets liés à l’existence du téléférique. Cette action comporte un volet sociologique qui peut aider à la prise de conscience. On va voir comment les gens vivaient il y a quelques dizaines d’années à travers ce qu’ils ont jeté.
Un film va être réalisé pour créer une sorte de conscience du déchet. Plus que du déchet, d’ailleurs, il faut parler de ses impacts. Jeter une bouteille du haut de la falaise ne posait aucun problème il y a 60 ans. Il y a eu ensuite des décharges. Maintenant, nous devons maîtriser nos impacts en amont. Nous devons éviter d’en provoquer. Beaucoup de choses en seront changées, y compris dans l’économie. Les relations entre les gens s’en trouveront améliorées elles aussi grâce au respect de ce fil conducteur qu’est l’eau.