Fabrice Luchini, entretien totalement imaginaire

Fabrice Luchini, entretien totalement imaginaire

14 décembre 2021 Non Par Paul Rassat

Fabrice

Fabrice, vous portez un prénom stendhalien. Votre enthousiasme débordant pendant les interviews vous fait appeler par certains « Fabrice del Dingo ».

C’est le coût de la vie. Tout peut arriver. Je ne voudrais cependant pas faire de confidences trop intimes. Écoute mon ami,j’ai un cœur simple. Je veux bien parler de mes partenaires, mais rien sur Robert, ni sur mon prénom. Rien sur les roberts non plus, qui me rappellent Marlène. Pas de scandale. Avec ou sans majuscule.

Vous étiez moins prude dans Contes immoraux

Mais je n’ai fait qu’effleurer le genou de Claire. Je me comporte souvent en chevalier et me transforme en Perceval le Galois les nuits de pleine lune.

La route est encore longue

Pensez-vous avoir vécu déjà la plus belle partie de votre carrière ?

Le meilleur reste à venir. Tout le passé ne constitue qu’un début prometteur, ma loute. En homme pressé, je ne veux pas faire la potiche dans la maison de l’art. Je veux voir à mes spectacles le beau monde et les mômes qui ont du vague à l’âme parce que je suis un homme et un artiste émancipés de tout conseil de famille. Je veux échapper au travail à la chaîne et respirer un air si pur !

Cultiver l’instabilité de l’équilibre

Cette soif vous mène souvent à l’improvisation.

Le par cœur m’ennuie. Hommes, femmes, mode d’emploi…, route tracée d’avance, ennui assuré.

Vous êtes un acrobate à la recherche d’un éternel équilibre. Tout se joue à un poil près.

Oui, de la pilosité féminine entrevue dans un salon de coiffure à la lance érectile de Perceval. Quel chemin depuis ! Même si je me dis parfois «  Tout ça pour ça ! » Amuser le bourgeois en mêlant à sa pâtée des vers de La Fontaine, car il faut cultiver notre jardin. Donner au bourgeois la becquée avec des morceaux de Victor Hugo et d’autres nourritures dont il se délecte sans les digérer vraiment. J’aime provoquer des embarras poétiques, des flatulences philosophiques, de la constipation intellectuelle que je fluidifie à grandes bolées de textes admirables. Je ne suis satisfait que quand le public a les oreilles entre les dents.

Il en va du fromage comme d’un spectacle : ils doivent être bien faits

Vous aviez plaisir à citer Flaubert naguère «  La bêtise est de conclure. » Vous êtes pourtant intarissable et submergez vos interlocuteurs de citations et d’improvisations mêlées.

Tu vois, nul n’est parfait. Le texte déborde comme le poil pubien du maillot avant la tonte de l’été. Je suis ce jardinier qui fait bouger les lignes. Je serais de gauche si elle n’était pas étriquée, de droite si elle n’était pas rigide, du centre s’il ne se trouvait pas coincé entre les deux. Alors je suis ailleurs. Dans les textes. Mais surtout dans le jeu. Pour ne pas être simplement je.

Je vais te dire, la vie est comme la fable de La Fontaine. Tu tiens en ton bec un fromage que les autres veulent te piquer. Ceux de gauche pour le partager. Ceux de droite pour le bouffer. Ceux du centre pour ramasser les miettes. Tu dois leur répondre sans lâcher le fromage. C’est ce que je fais sur scène. Pendant ce temps, le fromage s’affine. Même si je n’ai pas encore trouvé le temps de le déguster, je m’enivre de son odeur.

PS:

Amusez-vous à retrouver les titres de spectacles (plus d’une vingtaine) qui participent à l’écriture du texte et dans lesquels Fabrice Luchini a joué.