« Ombres et poussières », Antonio Manzini

La vie est un sac de nœuds

La réalité est un sac de nœuds qui parfois tourne très mal. Fatal. Rocco Schiavone, héros récurrent de Manzini, est le parfait sac de nœuds lui-même. Il en a la mentalité, la complexité enchevêtrée de transgressions et d’une éthique personnelle aussi exigeante que fluctuante.

Sous le vernis policé et moral…

Quand un sac de nœuds sexuel provoque la mort d’une trans, les frontières imbriquées touchent à leurs limites. Chacun est renvoyé alors à son statut, à sa fonction, à sa soumission à des enjeux troubles qui le dépassent. La loi d’État écrase tout. Elle fait éclater l’absurdité de nos vies et, dans le même temps, étouffe toute véritable tentative d’implication personnelle.

Un héros en mal d’existence

Rocco est un transgresseur. Son ironie, son cynisme le situent en dehors de tout compromis. Il est d’autant plus en mal d’existence et d’identité que d’autres sont morts à sa place. Il s’exprime de manière provocatrice, tranchante. On sent là une forte, trop forte exigence qui mène au désabusement.

Identités

Ce jeu des identités qui imprègne l’existence passe aussi par la langue, l’accent, le respect ou la déformation d’expressions locales. On ne parle pas de manière identique à Rome, Aoste ou ailleurs. C’est qu’on n’y est pas le même. « Schiavone » est à la fois le nom du héros et d’une épée à double tranchant. Rocco Schiavone est lui-même double. Comme chacun de nous. Mais beaucoup perdent leur tranchant émoussé par le fil du quotidien, de l’embrigadement dans des fonctions imposées par une hiérarchie et un système étouffants.

Et, en plus, l’intrigue est superbement ficelée. Un vrai sac de nœuds !

Pourquoi Aoste?

On se demandera tout de même pourquoi Antonio Manzini noircit la ville d’Aoste avec une telle application au fil de ses polars. Il risque de contribuer ainsi au développement d’un tourisme masochiste.