Pierre Soulages, un homme libre !
27 octobre 2022Il existe un langage performatif qui crée en disant. La création de Pierre Soulages relève de cette démarche. « Je réfléchis le pinceau à la main. J’avance toujours attentif à ce que je ne sais pas et qui peut arriver. » Pierre Soulages créait pour être libre. Paul Valéry écrit « Anarchiste, c’est l’observateur qui voit ce qu’il voit et non ce qu’il est d’usage que l’on voie. » Soulages va plus loin encore. Cette liberté se conquiert, elle nécessite des instruments, une pratique, une éducation, l’implication de toute une vie.
Liberté et mouvement
Concernant ses œuvres apparemment les plus abouties et les plus épurées, les dimensions finies semblent pouvoir se prolonger bien au-delà du cadre, à l’infini, dans ce mouvement de vibration et de rythme dont le clinamen de Lucrèce et d’autres était constitué. Cette pluie d’atomes dont nous serions issus. L’œuvre de Pierre Soulages ne consiste-t-elle pas à accrocher des étincelles de lumière grâce au noir essentiellement, à transformer l’impalpable en lumière ? À dépasser l’oxymore célèbre de « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles » ? L’artiste confiait que « vastitude » est son mot préféré et concluait « Je me sens libre. »
L’aventure
La vie est, pour le commun des mortels, une re-présentation que chacun s’applique à construire, s’applique en s’appuyant sur les appliques ready made des supports de la pensée, des éléments (si) communs de langage et de perception.
L’artiste, et en ceci Pierre Soulages excelle, tente d’être unique en donnant vie, en mettant au jour et à la lumière. Une œuvre naît à la vie comme un enfant voit le jour.
Empruntons à Jean de la Croix, que citait Pierre Soulages, de quoi prolonger ce qui jamais ne se conclut, le mouvement de la création, de la liberté et de la vie « Pour toute la beauté jamais je ne me perdrai sauf pour un je ne sais quoi qui s’atteint d’aventure. »