Andrea Camilleri & Montalbano : cuisiner la vérité

Andrea Camilleri & Montalbano : cuisiner la vérité

5 décembre 2020 Non Par Paul Rassat

Le ragoût polar et cuisine

Montalbano est —était ?— un cuisinier hors pair en matière d’enquêtes. Il retravaille tous les ingrédients de ces ragoûts et salades qu’on lui fournit afin de retrouver le bon agencement. Ingrédients parfois sordides qui révèlent les tréfonds de l’âme humaine et se mêlent aux beautés de celle-ci. Sur cette ligne de rencontre se tient le parcours d’une enquête.

«  On s’habitue à tout, dutturi. À la vie et à la mort, aux fleurs et à la merde. »

Creuser les évidences, éveiller les sens

Entre les fleurs et la merde, vaste espace d’investigation ! La propension de l’adjoint Catarella à déformer patronymes, noms de lieux et autres souligne ce jeu avec la réalité.

Ne jamais croire aux apparences. C’est une règle qu’il faut toujours suivre.

Andrea Camilleri — Le manège des erreurs — Fleuve noir

Alors Andrea Camilleri n’est pas mort et Montalbano continue de retisser, de recuisiner les liens entre les personnes, les faits et les lieux, les informations pour parvenir à la seule recette juste.

Son appétit de gourmet/gourmand est rythmé par l’avancement des enquêtes, doutes, interrogations et illuminations. Excellent cuisinier en matière d’investigations, il dépend totalement, pour sa nourriture personnelle, de trattorie comme celle d’Enzo ou bien des plats que lui prépare son employée Adelina. Dans les deux cas prévalent la surprise, la fraîcheur et la simplicité.

Qui enquête sur qui?

On n’écrit pas pour rapporter sa vie dans ses livres, mais pour la découvrir.

Alan Benett — La reine des lectrices

On peut considérer qu’Andrea Camilleri a découvert sa propre vie en écrivant et que Montalbano a d’abord enquêté sur lui-même, sur ses relations aux autres, au bien et au mal, à l’amour, sur sa propre identité et sur son créateur.

Désormais l’enquête est définitivement close mais continue de vivre par la force de la lecture. Parvenir à une forme de vérité consisterait-il à éliminer les erreurs ? Alors la vie elle-même serait un manège, étymologiquement, un exercice de recherche de la vérité.

Le polar camillerien est donc une application du fameux « Connais-toi toi-même ».