Andreï Kourkov « Les abeilles grises »
13 juin 2022J’en étais resté au Pingouin à propos de Kourkov. Les abeilles grises poursuivent admirablement une ménagerie qui inclut Vladimir Poutine.
Du bon usage de la métaphore par Kourkov
« Il avala une gorgée d’alcool. Une chaleur lui emplit la bouche, accompagnée d’un soupçon d’amertume. Le phénomène se produit parfois quand l’alcool et le miel du mélange ne trouvent pas de langage commun. »
Comme une abeille égarée dans une ruche étrangère
Lors d’un enterrement musulman le héros « vécut toute la suite sans perdre le sentiment d’être une abeille égarée dans une ruche étrangère. » Rite, vêtements, langue, comportement à son égard…tout y est différent pour lui, chrétien.
De la relativité
Les mêmes faits deviennent des informations différentes vus d’Ukraine, de Russie ou de la zone grise, cet entre deux presque coupé du reste du monde. Mais les abeilles continuent d’y vivre, indifférentes au bruit environnant.
Le bruit et le silence
En photographie, le bruit causé par un défaut d’éclairage, produit une granulosité parasite. Dans le roman « …le silence devint plus assourdissant, plus présent. On aurait pu le caresser, comme un chat ou un chien, il était chaud et se montrait câlin avec Sergueïtch, comme s’il cherchait à obtenir de lui son concours, à obtenir qu’il participe à sa vie, çà ses bruits. » Serions-nous du bruit ? « Le silence, c’est vrai, est chose capricieuse, phénomène sonore personnel, chaque individu l’ajuste, l’adapte à sa mesure… Tous les bruits discrets, qui ne suscitent pas d’agacement ni ne font se retourner deviennent au bout du compte des éléments du silence. » Jusqu’où accepter ces bruits parasites qui composent notre silence, avec lequel nous composons ?
Identité et mise en abyme
Une carte d’identité est censée prouver que je suis moi. La photo qui s’y affiche contribue à en faire foi. Suis-je cependant celui qu’elle montre ? « Cette photo n’est pas moi » pourrait prétendre Magritte. Je ne suis pas celui que vos principes, coutumes, habitudes et grilles de lecture perçoivent. Je suis de cette zone grise qui est la véritable matière. Celle qui échappe au bruit parasitant votre perception. Au point qu’un gris douteux peut émerger au sein du gris ambiant. Quant à l’identité de certaines contrées. — « Les choses se sont passées comme Poutine l’a dit… Poutine ne ment pas. » Poutine serait-il de ces abeilles au gris suspect ? Un gris parasite.
L’avis de Talpa
À lire absolument.