Assimilation, intégration ? Éternelle complication ?
6 novembre 2021L’assimilation par l’étymologie
Eric Zemmour: “Je tends la main aux musulmans qui s’assimilent” (Causeur)
« ASSIMILER, verbe trans.
I. Assimiler + compl. obj. Rendre semblable ou identique à soi, en incorporant à sa propre substance une substance étrangère qui par là même est réduite à néant…
. Emploi pronom. S’assimiler à. S’identifier à, par un acte de volonté ou de jugement … »
Dictionnaire TLFi
Quel est le modèle auquel (s’) assimiler ?
Puisque certains prônent l’assimilation de l’étranger au modèle français, il faut bien définir un modèle afin d’assimiler l’étranger à ce modèle visible, stable, qui serve de repère aussi bien aux Français de souche qu’à ceux qui souhaitent faire branche. L’assimilation est une approche idéaliste, quasi religieuse, dans la mesure où elle part d’une idée qu’on se fait de la France comme la religion rejoint l’idée que l’on se fait de Dieu. Il faut donc se faire une idée de la France. D’où discussions à n’en plus finir pour trouver ce concept, cette idée fixe et cependant si fuyante.
Tout partirait d’un vase
Nous avons pourtant du vase en France, comme nous avions des idées quand nous n’avions pas de pétrole. Nous n’avons toujours pas de pétrole mais nous devons toujours nous faire une idée de la France. Or donc, nous avons de la chance d’avoir du vase et c’est de là qu’il nous faut partir pour mieux demeurer nous-mêmes. On dirait aujourd’hui que nous avons de la moule, mais le vase nous renvoie à Clovis et à Pierre Perret qui cite, dans son dico de l’argot « C’est le jour où la pétasse l’a plaqué que Vevé Solo a touché six cents bâtons au loto….À croire finalement qu’il avait du vase ! »
Fluctuat nec mergitur
Et c’est ainsi que l’idée de francitude naît du vase de Soissons. De Clovis qui rend à l’évêque de Reims ce réceptacle divin tiré d’un butin de guerre. Clovis, le vase, le sacre à Reims, « Champagne » chantait Jacques Higelin. On notera au passage que n’importe quel flacon peut provoquer l’ivresse alors que seul le vase procure l’ivresse du champagne.
Soissons et son vase constituent un repère d’autant plus intéressant que le fameux haricot, lui aussi de Soissons est un haricot à rames : fluctuat nec mergitur. Il se cuisine de toutes les façons, nous apprend Wikipedia : en soupe, en ragoût, en salade, à l’apéritif ou en dessert ! En toute recette, le haricot de Soissons surnage.
Malheureusement, le « Fluctuat nec mergitur » ne marche pas pour tous les migrants
Cette souplesse de préparation se révèle donc propice à l’assimilation de l’étranger poussé vers la Terre des Droits de l’Homme et de la Citoyenne par une soif de liberté que son pays d’origine ne pouvait pas satisfaire aussi bien que par le simple besoin de manger pour survivre aux tortures de la faim et à d’autres supplices.
La cuisine évolutive de l’intégration
Soutenant une autre approche, les intégrationnistes optent pour une créolisation de notre société, un mixage, une mixité qui donnerait une autre cuisine, plus variée et évolutive. Plus légère peut-être qu’une cuisine à base de haricots provoquant à l’occasion quelques flatulences de la pensée.
Choix cornélien
Que choisir entre les haricots assimilationnistes et la cuisine évolutive des intégrationnistes ? Peut-être serait-il judicieux de goûter à tout et d’opter pour une cuisine qui parte des produits locaux et les fasse savourer à tous ceux qui y ajouteraient une épice lointaine, un tour de main inconnu, une senteur d’ailleurs.
L’identité ? Quelle identité ?
Mais revenons à la notion de modèle et appuyons notre propos sur la démonstration qu’en fait Matthis van Boxsel dans son Encyclopédie de la stupidité, ouvrage très sérieux puisqu’il avance que la stupidité est le moteur de l’intelligence. À condition, bien sûr, de vouloir en sortir. Sortir de la stupidité car à s’y complaire, on finit comme Hannibal dans les délices de Capoue. Matthjis van Boxsel, régent du Collège de Pataphysique- ce qui pose son homme- soutient que les habitants d’Amsterdam infligent aux nouveaux arrivants l’obligation de connaître l’identité de la ville et de s’y assimiler alors que celle-ci n’existe pas. C’est donc l’effort que font les étrangers pour s’y conformer qui crée l’identité d’Amsterdam. Le corollaire de ce constat implique que les Amstellodamois de souche sont totalement inutiles à l’identité de la cité. CQFD.
« On est chez nous ! On est chez nous ! »
Pierre Dac écrivait « Si la France n’existait pas, les Français seraient des étrangers. » Ajoutons à cette formule si pertinente « S’il n’y avait pas d’étrangers, il n’y aurait pas de Français. » Les pisse-vinaigre répliqueront « Oui, d’accord, mais qu’ils restent chez eux. » Ce à quoi on répondra colonisation, commerce triangulaire, tourisme sexuel, etc. Précisons que Pierre Dac, juif, a rejoint de Gaulle à Londres et a été la voix de la France à la radio. Il s’est exilé pour sauver son pays et y revenir.
L’exemple savoyard
Pour donner plus de corps encore à notre discours, prenons l’exemple savoyard. Le territoire a été, pendant des siècles, ouvert à toutes les influences. Les Savoyards n’ont été que mouvement. Pour se déplacer, pour passer d’une vallée à l’autre, par la transhumance, le baroque, les sports de glisse. Par l’eau qui, en permanence anime les montagnes et l’esprit du Savoyard. Par la ruse de la rebloche, cette 2° traite dissimulée aux collecteurs de taxes, qui a donné le reblochon. L’habitant local a fait preuve de souplesse d’esprit, d’adaptation au lieu d’affronter en vain plus fort que lui. Par l’électrification précoce de la région. Par l’Annexion de la France en 1860 et la colonisation quotidienne de la Suisse par 100 000 individus transfrontaliers.
L’identité par le mouvement
Et le Savoyard se montre chichiteux envers les étrangers de Lyon ou de Paris ! Envers celles et ceux qui souhaitent s’installer dans cette belle contrée afin de contribuer à l’édification de son identité si souple, si fuyante au fil du temps ! N’est-ce pas justement la véritable force de la Savoie que de n’être pas figée dans un modèle éternel ?
Le bouc émissaire
René Girard a développé dans son travail la théorie du bouc émissaire. Depuis toujours, les clans, les tribus, les sociétés ont renforcé leur cohésion, se sont soudés en sacrifiant une partie des leurs ou de leurs ennemis. L’ennemi soude, c’est bien connu ! Les guerres aussi, avec leur lot de martyrs. Le Dieu des chrétiens a même sacrifié son propre fils. Et puis, le bouc, c’est bien vu en matière de sexualité. C’est l’étranger qui convoite nos femmes.
La leçon d’Astérix
Élargissons le propos. Sur quoi repose le succès d’Astérix ? Sur une potion magique qui soude les Gaulois…et qui n’a jamais existé. Vendre une identité qui n’existe pas, là est le secret. Chut…Vous reprendrez bien un peu de potion à bulles dans une flûte ? Vous préférez de la cervoise ? Assurancetourix ? Oh, il n’est bouc émissaire que le temps d’un festin.