Azeze Ame Adre
30 janvier 2025Rencontre avec Kokou-Ferdinand Marouvia pour son exposition Azeze Ame Adre Les sept vases de la haute connaissance initiatique au Musée de Immigration, Porte Dorée. ( Photos © Christophe Rassat)
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— J’ai été invité à exposer au Palais de la Porte Dorée. Quand je m’y suis trouvé j’ai entendu des bruits venant des murs. Des murmures, une sorte de rage. Je ressentais ce que je ne voyais pas. Je me suis demandé ce qui se passait. C’est peut-être l’esprit des objets qui ont été spoliés dans d’autres pays, sur les autres continents. Objets exposés pendant l’ exposition coloniale de 1931 pour laquelle le Palais de la Porte Dorée a été construit. Ces objets ont été déconnectés, arrachés des esprits auxquels ils étaient reliés. D’où un choc qui se traduit par le brouhaha que j’ai entendu. J’ai pensé qu’il y avait la nécessité d’une sépulture afin de permettre une vraie libération.
Redonner vie
J’ai donc demandé à faire une cérémonie de pardon, qui n’a pas été acceptée pour des raisons d’interprétation politique. J’ai transformé le pardon en cérémonie de permission afin de pouvoir exposer les œuvres près de divinités africaines. Mon rôle d’artiste est d’amener le public à visiter l’espace autrement. À ne pas voir des objets exposés mais de vraies divinités, des entités, des forces vivantes.


Azeze Ame Adre
Le titre de mon exposition est Azeze Ame Adre Les sept vases de la haute connaissance initiatique, dans le cadre de l’exposition collective Chaque vie est une histoire. Sept a une valeur symbolique que l’on retrouve dans beaucoup d’occurrences. Les Occidentaux interprètent Azeze comme de la sorcellerie. Mon installation comprend plusieurs vases de quatre à cinq mètres de haut qui sont des réceptacles d’information. Des réceptacles de la discussion, des mots, des prières. Quand le visiteur entre dans l’espace d’exposition, il écrit un mot, le plie, l’adresse à la nature, aux dieux, aux esprits. J’ai demandé qu’on m’envoie du Togo une pièce qui serait témoin, qui discute avec les autres sculptures. Cela n’a pas été possible. J’ai donc isolé mes vases du sol avec des feuilles d’hysope afin de les protéger de vibrations parasites.

Rétablir la continuité
D’où vient l’encre ? J’ai brûlé un texte écrit au départ par le personnel du musée, et c’est avec les cendres que j’ai fait l’encre qui a permis d’écrire de nouveau. Chaque mois, je refais cette cérémonie. Est-ce que je cherche quelque chose ? J’agis, simplement, je suis au service. Lorsque que je brûle les messages, une partie part, l’autre reste, ce qui produit une continuité que les visiteurs peuvent percevoir aussi dans mon exposition d’ Annecy.