Bloom
12 février 2025
Bloom est un album inclassable réalisé par Julia Billet et Jérôme Ruillier. Inclassable parce qu’il mêle des donnés scientifiques, des situations de confinement, une réflexion sur le fonctionnement de sociétés, sur le secret, la violence d’État à la poésie graphique en totale liberté. Il est question, dans cette production poétique et philosophique, de « rêves animiques ». Ce sont des rêves qui viennent de l’âme, nous apprend le dictionnaire. Alors ce livre est lui-même un rêve animique.
Âme
D’après Odon Vallet et son Petit lexique des mots essentiels, le mot âme renvoie d’abord à anima en latin, au souffle, donc au corps. Elle nous accompagne jusqu’à notre dernier souffle. Son pendant animus est le principe pensant de l’homme. L’animal fait partie de la même famille étymologique. Bloom, par le rêve, associe ces trois dimensions.
Efflorescence
Bloom signifie : efflorescence algale, augmentation relativement rapide de la concentration d’une espèce de phytoplancton dans un système aquatique. EFFLORESCENCE constituée d’individus humains regroupés. Efflorescence animique capable de résister à la violence d’État ( qui n’existe pas selon nos dirigeants pour lesquels elle est légitime et se nomme « maintien de l’ordre »). Le livre reprend la théorie selon laquelle un nouveau comportement est considéré comme acquis par toute une société quand il est partagé par cent individus. Mais pourquoi cette théorie ne fonctionne-t-elle pas encore dans les sociétés humaines ? Celles-ci ressemblent à des troupeaux d’herbivores bien plus nombreux que leurs prédateurs mais qui se laissent éternellement dévorer.

Murmuration
Murmuration est un autre mot savoureux qui apparaît dans cet album. Il s’agit d’un regroupement important d’oiseaux en vol, de nuage d’oiseaux. Vous vous êtes certainement demandé comment se forment ces murmurations, suivant quelles lois elles se déplacent, se dispersent, se regroupent sans réseau internet, sans influenceurs. Quel sens mystérieux préside à ces vols ?
Bloom réunit la profondeur de Camus, l’étrangeté de Murakami, y ajoute beaucoup de poésie et fait passer ainsi, mine de rien, une solide réflexion sur nos comportements et nos sociétés. Sans oublier le coup de crayon qui noircit ou illumine le rêve tout droit relié à l’âme.
PS
On notera que l’âme d’un violon ( on en voit un sur la couverture de Bloom) transmet la vibration des cordes et permet à l’instrument de résister à la pression de celles-ci. L’âme n’est pas collée, elle tient par l’équilibre des tensions ! Serait-ce la meilleure définitions de la démocratie?