Brice Nadin

Brice Nadin

15 juillet 2024 Non Par Paul Rassat

Rencontre avec Brice Nadin qui dédicaçait ses romans à la librairie de Cluny Le jardin secret.

J’ai écrit un bouquin qui se situe à Cluny en 1095 parce je suis amoureux du Moyen Âge, de la période qui va de l’an Mille jusqu’à 1250 / 1300. J’étais un grand lecteur mais j’ai commencé à écrire très tard. Lorsque l’idée m’a pris d’écrire mon premier roman, j’ai d’abord cherché le lieu. Cluny s’est tout de suite imposé pour toutes sortes de raisons. Je suis tombé amoureux de la région, j’ai donc commencé à visiter, à fureter, à parler avec les gens. En m’intéressant à l’histoire de l’abbaye j’ai commencé à inventer une intrigue liée à l’année 1095, au Concile de Clermont. L’année où le pape Urbain va prêcher la croisade à Clermont. Urbain a été Grand Prieur à Cluny avant de devenir pape à Rome. Tout part de là.

L’Histoire associée à la fiction permet de tisser toutes sortes de liens.

L’Histoire de France est extraordinaire. Ses intrigues s’offrent à vous. J’ai toujours été passionné par l’Histoire, par la géographie.

J’entendais à l’instant des historiens se demander à quoi sert l’Histoire savante. Vous, auteur, vous mettez en scène cette Histoire et la rendez accessible.

C’est d’autant plus intéressant qu’on juge le XIème siècle comme une période obscure. Et le Moyen Âge en général, alors qu’il est à l’origine de notre culture, de nos racines. Au travers d’une intrigue, de personnages, le roman permet au lecteur de s’approprier l’Histoire, d’y entrer plus facilement qu’au travers d’un cours. À l’époque que je fais vivre le pays ne s’appelle pas encore la France mais le royaume des Francs. Le pouvoir du roi des Francs est encore insignifiant. Le clergé et le pape jouent en revanche un rôle déterminant. C’est la période de la querelle des investitures et de la réforme grégorienne qui vont faire du pape le chef de l’Église chrétienne et catholique.

Vous revenez aux sources, aux fondations ; ce qui résonne avec l’actualité.

Tout est toujours lié ! La période que j’écris est celle de l’empire de Charlemagne. L’empereur est le représentant de Dieu sur terre. Les seigneurs et les chevaliers s’affrontent pour quelques arpents de terre ou de vigne. Le royaume de Charlemagne a explosé. Le but de la croisade va être de trouver à ces belligérants francs un ennemi commun. Ce seront les mahométans de l’époque.

On a aussi « délocalisé » la pauvreté.

C’est ce qu’on a appelé la croisade populaire, l’objet de mon tome trois. Le premier volume montre la vie d’un novice qui est donné à Cluny pour faire un service ecclésiastique. Il a dix-sept ans et c’est le narrateur. On vit à travers lui. Autour de lui se noue un faisceau de bonnes et de mauvaises intentions dont joue le roman. L’Histoire de France est une entrée du livre. La quête initiatique en est une autre, ainsi qu’une belle romance impossible avec la fille du seigneur de Berzé. Les étoiles d’Orion annoncent une dimension d’ésotérisme. Le titre est en relation avec les connaissances astronomiques des moines de Cluny à cette époque. Ils détiennent les savoirs, les dispensent. Ils écrivent en latin. La langue romane, elle,  ne s’écrit pas. Les seigneurs et les chevaliers sont illettrés. C’est encore l’époque de la langue d’oc et de la langue d’oil. Les moines connaissent le ciel, Orion qui joue un rôle particulier dans l’intrigue du roman qu’il parcourt à travers les trois tomes.

Est-ce que vos romans donnent un point de vue particulier sur les croisades, la façon de voir les ennemis ?

Oui et non. Dans le tome 2 tout va mal se passer pour les partants. On les retrouve à Pise, puis à Malte et en Égypte, à Fustat qui était la plus grande ville du monde avec Constantinople à l’époque. La ville est un énorme creuset culturel. Des juifs y cohabitent avec des musulmans et des chrétiens. Les cultures se confrontent. Les chrétiens occidentaux vont rencontrer les musulmans et rattraper leur petit retard. À Salerne, en Italie du sud,  enseignent des médecins qui viennent de ce qui serait le Maghreb actuel, notamment Constantin l’Africain. Les pratiques de médecine arabe passent ainsi en occident. L’un de mes héros, le maître de Joachim, le personnage central, est un prieur de Cluny. Il faut préciser qu’à son apogée Cluny compte mille deux cents prieurés et représente une force politique qui préfigure l’Europe actuelle. Mon prieur est un moine médecin qui a étudié à Salerne ; mais les moines clunisiens connaissaient les plantes et leurs bienfaits médicinaux. Il suffit de se référer aux livres d’Hildegarde de Bingen qui est née en 1098. Chaque monastère cultivait ses herbes médicinales.

Vous avez une étendue de connaissances remarquable. Comment fonctionnez-vous ?

Je me considère comme un éternel étudiant. L’écriture me permet de me nourrir et de redistribuer  à mes lecteurs ce que j’apprends.