Chaque jour est carnaval #3 Politique

Chaque jour est carnaval #3 Politique

7 février 2021 Non Par Paul Rassat

Le carnaval politique

Emmanuel Macron

Quelle place reste-t-il au carnaval populaire quand chaque jour est un carnaval politique ? Emmanuel Macron n’a pas créé un parti mais un mouvement politique. Son nom est « En Marche » pour faire de la politique autrement, ni à droite ni à gauche. Un truc insaisissable dont le mouvement permanent serait l’identité, exactement comme les défilés et les cortèges qui relèvent du carnaval.

François Hollande

Président de la République ou bien chaman déclenchant la pluie à chacune de ses sorties ? Sorties d’autant plus nombreuses que le bonhomme a de l’humour. Un chaman Président normal à scooter pour aller voir sa belle en loucedé. Alors que les problèmes pleuvent.

Nicolas Sarkozy

Il est le poulpe de la politique. Poulpe et pieuvre, céphalopodes benthiques à huit bras appelés aussi octopus. Nicolas est un adepte de l’octosyllabe, ce vers court et nerveux. Comme lui, il se faufile partout au point d’atteindre le premier rang en jouant des coudes. C’était lors d’un défilé réunissant les dirigeants du monde entier le lendemain des « attentats de Paris ». « Casse-toi, alors, pauvre con ! » est certainement le vers boiteux (7 ou 8 pieds ?) dont on se souvient le mieux. On oublie paradoxalement le « alors » qui pèse pourtant de tout son poids sémantique.

Nicolas bis

On a oublié le pourtant gaillard « Amis pédophiles, à demain ! » pour retenir surtout « Avec Carla c’est du sérieux », déclaration de politique conjugale prononcée, comme il se doit, à Disneyland. Ambiance carnaval garantie. On s’est alors demandé, dans les milieux autorisés, si cette insistance à souligner le sérieux de cette relation amoureuse ne reléguait pas au niveau du divertissement la gestion des affaires de l’Etat.

Nicolas ter

Mais le trait carnavalesque le plus marqué du personnage se retrouve dans le patronyme-pseudonyme choisi pour travestir le Président en quidam et échapper aux écoutes téléphoniques. Paul Bismuth ! Quel raccourci ! Les suppositoires Bismuth, remède contre les maux de gorge en relation directe avec le téléphone, la parole, la gorge et l’anus ! Une image amusante du circuit court.

Jacques Chirac

Ce spécialiste des arts premiers aurait bien caché son jeu, se planquant derrière une tête de veau/Corona sans virus. Adepte récurrent du cuir ou du pataquès, Jacques aurait parfois tapé dans celle de la mairie de Paris ou trafiqué pour son parti, laissant Alain Juppé, une lumière car « le meilleur d’entre nous » endosser le rôle de lampiste.

— Que pensez-vous du pataquès chiraquien, docteur Freud ?

— Il est un acte manqué, donc réussi, qui consiste à relier autrement, à énoncer des liaisons inhabituelles. Jacques Chirac a été élu sous une étiquette de droite mais il avait parfois une sensibilité de gauche, ce qui provoquait une forme d’urticaire dont les cuirs trouaient le côté lisse du personnage. Ces liaisons fautives étaient aussi la partie émergée de l’iceberg de relations amoureuses de Jacques que certaines mauvaises langues appelaient « Cinq minutes, douche comprise. » Afin de contrebalancer cette instabilité sexuelle, Bernadette affichait en public son sac à main, substitut et symbole de l’utérus, cette poche qui marque la maternité et la féminité.

François Mitterrand

Il fut à la fois ce « Tonton » qui engendra la génération Mitterrand et le sphinx qui croyait aux forces de l’esprit, qui déclarait « Poser une question qui ne se pose pas est la plus sûre façon de prouver qu’elle se pose. » Pour « donner du temps au temps » et laver plus blanc que blanc à la manière de Coluche, François Mitterrand était doté du don d’ubiquité qui déboucha sur l’affaire de l’Observatoire et lui valut aussi bien la francisque que le rôle de Résistant. Passé par Nevers, il pratiqua la botte ainsi que le coup de Jarnac. Partisan du double foyer, Tonton engendra Mazarine dont le prénom, hommage à Mazarin, nous fait repasser par Nevers dont Philippe Mancini, neveu de Mazarin fut duc. Les mazarinades, quant à elles, résonnent avec le carnaval. Des textes écrits sous forme de pamphlets savants, ironiques, grossiers et cinq mille chansons dont « Plainte publique contre l’interruption du commerce ».

L’opposition à Mitterrand s’est souvent traduite par cette bassesse phonétique qui faisait prononcer son patronyme « Miteurand » ou bien « Mit’rand », coupant ainsi les deux airs/r du personnage et le transformant en mite ou en miteux.

Valéry Giscard d’Estaing

Accordéoniste très matinal, VGE entra en contact avec un camion de lait, des éboueurs invités à un petit déjeuner au cours duquel s’échangèrent les poubelles des rues et celles de la politique. VGE se fit inviter chez des Français moyens choisis au hasard et y mit les moyens. Dans cette famille établie en Afrique, on changea tous les meubles avant l’arrivée présidentielle et le repas fut préparé par l’équipe élyséenne. Il fallait faire simple ! Alors que le septennat mit en avant les femmes, que Simone Weil faisait adopter l’IVG sous VGE, que l’âge de la majorité passait de 21 à 18 ans, que retient-on du passage de VGE au pouvoir ? Les diamants de Bokassa, l’affaire des avions renifleurs et cette chaise vide en plan fixe après que le Président a prononcé un lugubre « Au revoir » dans cette allocution qui fait suite à la victoire de Mitterrand. Les chasses en Afrique de VGE complètent ses conquêtes féminines. Le pouvoir donne du charme.

Georges Pompidou

Georges Pompidou était Auvergnat et agrégé de Lettres. Il avait de l’esprit et pouvait déclarer « Les temps changent. Autrefois, c’était l’homme qui décidait. Il donnait la vie, la femme était comme un frigidaire. Enfin, un frigidaire chaud ! Dont l’homme tirait la poignée. » Georges fumait cibiche sur cibiche et appelait « Bibiche » sa femme Claude. Notons, pour complaire à Amélie, que Claude est un prénom épicène, ce qui signifie qu’il revêt la même forme au masculin et au féminin. Georges était pourvu d’un visage rond et jovial, doté d’épais sourcils afin qu’on ne le confondît pas avec Claude, ou bien Claude avec Georges. Plutôt de droite car ministre du Général, Georges était en réalité au Centre, en hommage à l’établissement artistique qui portera son nom.

Le Général de Gaulle

Charles de Gaulle portait l’uniforme mais ne l’était pas. Il n’était pas uniforme et ne se fondit pas dans la masse informe qui suivit le Maréchal. Flanqué d’Yvonne, il gagna Londres et après d’âpres affrontements la confiance de Churchill. A Londres, Charles fut rejoint par Pierre Dac qui devint l’une des célèbres voix de Radio Londres et de l’émission « Les Français parlent aux Français » afin de répondre positivement à cette question qui le taraudait « Que serait la francophonie si personne ne parlait français ? » L’uniforme fait absolument penser à ces noms, comme la terrine, qui désignent à la fois le contenant et le contenu. Et c’est dans Boule de Suif qu’on en trouve une description particulièrement réussie. « C’était, dans un de ces vases allongés dont le couvercle porte un lièvre en faïence, pour indiquer qu’un lièvre en pâté gît au-dessous, une  charcuterie succulente, où de blanches rivières de lard traversaient  la chair brune du gibier, mêlée à d’autres viandes hachées fin. »

Or Charles de Gaulle n’était pas une terrine et sut faire de son uniforme un usage intelligent et courageux qui sauva notre beau pays.