Christian de Portzamparc, le futurisme daté à Annecy

Christian de Portzamparc, le futurisme daté à Annecy

16 avril 2021 Non Par Paul Rassat

Billet de bonne humeur qui fut au départ bien mauvaise, Christian.

Nostalgie et curiosité

Comme nombre de voyeurs, j’avais suivi avec une sorte de curiosité intriguée la démolition de l’ancien hôpital d’Annecy. Nous y avions tous des souvenirs plus ou moins heureux et  nous les voyions partir en poussière. Cette nostalgie fit place ensuite à de la curiosité : qu’allait-il bien pouvoir émerger de ces souvenirs réduits en poudre à farder le temps?

Hallucinations ?

Bien vite l’impression dérangeante que j’étais la proie d’hallucinations s’imposa. Provoquées peut-être par ces champignons hallucinogènes dont j’avais entendu parler parce que poussant, paraît-il ,sur les pentes de notre bon vieux Semnoz et à la cueillette desquels j’avais involontairement assisté un matin de brouillard camping caresque lorsqu’ouvrant la porte du véhicule afin de satisfaire un besoin naturel j’entraperçus cinq ou six ombres penchées vers le sol à la recherche de tout petits champignons au chapeau conique.

Architecture champignonesque

Divagations ? Effet des champignons hallucinogènes ? Il semblerait que ceux du Semnoz aient dévalé les pentes de notre bonne vieille montagne à vaches et qu’ils aient produit une champignonnière au bord du lac, à l’emplacement de l’ancien hôpital, un truc faussement foisonnant, hybride et sans identité. Une horreur architecturale contre laquelle je me mis à pester chaque fois que je la longeais. Un truc informe, vaguement prétentieux, dont le dégoulinement se fige et se hérisse  en une falaise dominant la montée de l’ancien hôpital dans une proximité menaçante accrue par le revêtement d’écailles  grisâtres qui recouvre les murs.

Brr, beurk !

Photo de J-Marc Favre

Pér-oraison

Je fulminai enfin le jour où j’entendis Christian de Portzamparc pérorer sur les ondes de la radio et affirmer (je cite de mémoire) que certains projets parmi les plus ratés se voulaient les plus spectaculaires et n’étaient pas victimes de la légèreté de leur budget, qu’un architecte se devait d’être vigilant car ses réalisations lui survivent longtemps.

Tu l’as dit, Christian.

La beauté révélée par contraste

Et puis…et puis …j’ai fini par me dire que ce qui est à mes yeux et à mon cœur une architecturale horreur me faisait prendre conscience de la beauté qu’elle masquait et que j’avais fini par ne plus remarquer : cette affreuse champignonnière cache à la descente les montagnes et le lac, à la montée le ciel et la Visitation vers lequel elle s’élance en une aspiration à la hauteur spirituelle ( et pas forcément religieuse). Une véritable ouverture, une oxygénation de notre quotidien.

Merci Christian ! Merci de nous avoir enlaidi à ce point ce berceau de nature dont je remarque mieux désormais l’exceptionnelle beauté !

Une fleur sur la rive du lac

En longeant hier la falaise recouverte d’une peau de crocodile grisâtre qui évoque la prison, j’ai remarqué quelques cœurs rouges palpitant au soleil, quelques géraniums apprivoisés en jardinières disposées sur un tout petit balcon et j’ai pensé, je ne sais pourquoi, aux fleurs indispensables à la vie de Chloé, l’héroïne de l’Ecume des Jours. Ainsi des gens habitent le crocodile qui prend la forme de champignons : qu’ils y soient heureux.

Merci Christian

  Merci Christian pour cet esthétisme bling bling du style retour vers un futur déjà révolu depuis des lustres. Et pour cette vitrine bien plus pimpante que le Brise Glace, L’ESAAA dont la discrétion jure tant avec le contexte ! Il paraîtrait, aux dires d’un architecte local, que les Annéciens s’habituent à ces nouvelles constructions. Ils semblent s’habituer à tout.