Chronique ( ta mère) culture
7 avril 2025Quand la culture trucule, comment veux-tu.. ? Alors que Rachida Dati occupe si brillamment le trône du ministère de la culture, alors qu’un peu partout les budgets consacrés à celle-ci font penser à Massacre à la tronçonneuse, un petit « Camarades, camarades » apporte un peu d’air frais dans la soufflerie culturelle. Voici le texte que Jacques Houssay a prononcé lors de sa chronique du 30 mars 2025 sur la radio KJB.
Camarades, Camarades, KJbistes, KJbistes, BDistes, BDistes, je viens de passer une semaine incroyable au collège Jacques Prévert de Meythet. J’ai eu la chance d’y être invité en résidence de création pour que je puisse écrire et travailler sur mon prochain spectacle. En plus, un ami musicien m’a rejoint pour qu’ensemble, on avance sur le projet, on a passé nos journées à jouer, créer, répéter, nous tromper, recommencer et à intervenir auprès des élèves… Putain, c’est dingue, je suis juste en train de m’extasier d’avoir pu, dans des conditions normales, exercer mon métier… c’est quand même fou ce qui se passe avec les métiers de la culture, on est trop content quand on arrive juste à bosser dans des conditions normales et à être payés. Vous imaginez, vous que votre garagiste s’extasie parce qu’il a pu réparer des voitures dans un garage, qu’en plus il y avait des outils et qu’on lui a même donné de l’argent pour ça ?
Dans nos imaginaires, exercer un métier de la culture et encore plus si on est du côté des artistes, c’est un tel privilège qu’il n’est pas obligé de payer les gens pour cela, de leur donner de quoi vivre en échange de leur travail alors qu’en France la culture rapporte plus d’argent que l’industrie automobile, alors que la culture est une des raisons principales de l’afflux des touristes, alors que la culture c’est du lien social, des façons de penser le monde d’aujourd’hui et de demain, que c’est… Me voilà en train de plaider pour la culture utilitariste, alors que je devrais plaider pour l’art et son inutilité.
Faut dire qu’au regard des attaques contre la culture, contre l’art ces derniers temps je vais jusqu’à piocher dans les arguments capitalistes pour défendre mon métier, les artistes, les lieux culturels, les techniciens, les administratifs, les comptables, les décorateurs, les créatrices lumières, les peintres, les auteurices, les illutrateurices, les…
La liste est sans fin.
Là on coupe les budgets, là on redirige tout vers la culture de patrimoine au service du roman national, ici l’extrême-droite couvre de draps noirs des portraits de femmes dans une exposition qui lui déplaît car elle visibilise les invisibles, là des nazillons empêchent la projection d’un film, dans l’Hérault on supprime tout simplement le budget, le sénat dissout le haut conseil de l’éducation artistique et culturelle, là on supprime le pass culture, jetant à la poubelle des milliers d’heures de travail et autant de projets à destination des lycéens, des collégiens pour qu’ils aillent au théâtre, au cinéma, au musée, dans les festivals, pour qu’ils montent des ateliers avec des artistes. Là Bolloré rachète les maisons d’éditions pour leur dicter leurs lignes éditoriales, là on tente d’interdire des concerts, ici on ne protège pas les traducteurices et les écrivains du pillage de leur travail par l’IA … Et pendant qu’on coupe le budget de la culture de quelques dizaines de millions d’euros qui sont essentiels, on efface une ardoise fiscale de 320 millions d’euros pour Bolloré qui avait sciemment fraudé pour une de ses entreprises.
Et moi, je m’extasie d’avoir pu exercer mon métier ces dernières semaines alors que certains de mes camarades ne savent plus comment remplir leur frigo et payer leur loyer parce qu’on les a jetés à la poubelle avec le reste…
Vous me direz à quoi bon, à quoi bon, ces artistes tous des parasites. Il reste que l’art c’est le culte de l’erreur comme disait Picabia, le culte de l’erreur sur le chemin de la beauté et de la liberté…
À quoi bon la liberté et la beauté me direz-vous ?
Eh bien ce sont les seules choses qui valent la peine qu’on se batte, pour paraphraser Churchill que pourtant je n’apprécie guère.
MERDE, c’est le mot avec lequel on se souhaite bonne chance au théâtre alors c’est vous dire si on a l’habitude d’y être et de la foutre…
MERDE à notre résistance à cette volonté politique d’asphyxier la création
MERDE à la culture qui bouscule tradition et patrimoine dans lesquels la pensée fascisante de l’époque souhaite nous enfermer, et vive l’art dégénéré !
MERDE aux grévistes, aux spectateurs debout, à la culture debout, à toutes celles et tous ceux qui ne laisseront pas faire la mise au pas des artistes
MERDE, MERDE, MERDE à vous les amis et si les choses continuent ainsi, notre « MERDE » artistique pour se souhaiter bonne chance devra se transformer en NO PASARAN. Nous pouvons déjà nous dire que si nous sommes tellement attaqués, c’est que nous représentons un danger pour leurs pensées nauséabondes, pour leur imaginaire étriqué. Alors soyons dangereux, terrifiants comme une petite fille avec un livre et une boîte de crayons de couleurs, comme un petit garçon avec un nez rouge…
Soyons terrifiants. BOUH !
… vous êtes définitivement sur KJB.