De qui se moque-t-on ?

De qui se moque-t-on ?

18 janvier 2024 Non Par Paul Rassat

Alexandre Vialatte s’amusait des travers de la société il y a déjà plus de cinquante ans. Nous partons de sa prose alerte pour faire le lien avec les jours d’aujourd’hui et notre aptitude à recourir aux experts pour savoir si nous sommes bien en capacité, juste, de pouvoir faire progresser la société. Voilà. Et de savoir de qui se moque-t-on. Na!

De qui se moque-t-on ?

…Je viens de lire , dans une docte revue, un article d’au moins vingt pages qu’un journaliste débutant ferait tenir en une demi-colonne. Il est signé de trois professeurs plus agrégés les uns que les autres, qui se font gloire de le mentionner à la suite de leur signature. Ils se sont mis à trois pour faire ça : trois plumes, six pieds, six mains, tout un cahier de diplômes. Que ce soit un désert d’ennui, je ne le leur en fais aucun reproche, ils ne prétendaient pas nous distraire. Mais qu’ils aient réussi à faire pousser là-dedans, et prospérer, au sein de ces sables sans verdure, sans espérance et sans consolation, quatre énormes fautes de français, dont l’une du genre « style gendarme », deux autres qui relèvent de l’erreur de pensée, et la dernière de l’ignorance de ces finesses dont la pratique distingue l’homme cultivé de l’orateur de réunion publique, voilà qui est déjà plus fringant…

La méthode avant toute chose

De ce joyeux ensemble, ils concluent avec allégresse qu’il est temps de changer les méthodes par lesquelles on apprend le français, et qu’une fois appliquée leur recette on reconnaîtra l’homme instruit à ce qu’il  saura s’exprimer de façon à se faire comprendre, et même, disent-ils, avec quelque « agrément »…

De l’expert hors sol

On ne se moque pas. Nous sommes au siècle des experts. Ils ont patente puisqu’ils ont des diplômes. Rien ne les arrête ; ils jugent, ils dosent, ils nuancent, ils raffinent, ils taillent, ils tranchent, ils ne recousent pas. Ils font chauffer leurs petites éprouvettes, ils versent leurs petits liquides, ils secouent leurs petites fioles, ils mettent leurs poudres en petits cornets, sucent leur doigt pour savoir si c’est doux ou acide, et en concluent, avec une inconscience à faire dresser les cheveux sur la tête, qu’il est urgent de bouleverser la planète pour en savoir aussi long qu’eux ! On aimerait bien que le professeur de saut périlleux ne commence pas par se casser la tête en faisant sa démonstration. Il y a un minimum exigible en toute chose. « Il faudrait tout de même », comme disait Louis XIV, «  que l’archevêque de Paris crût en Dieu ! »…

De AOC à AOP

Que la plume d’Alexandre Vialatte était vive et réconfortante d’acidité ! L’écrivain-journaliste n’est plus là depuis plus de cinquante ans mais son esprit est encore indispensable. Qu’aurait-il écrit concernant Amélie Oudéa-Castéra ? AOC, appellation d’origine contrôlée devrait devenir AOP, d’origine protégée.  Il faut éviter, en effet, que ne disparaisse un exemplaire aussi impressionnant de l’expertise française. Notre ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques ( Ouf !) place ses enfants dans l’enseignement privé à cause du paquet d’heures d’absences des professeurs non récupérées dans le public.

Le ministère de l’éducation paralympique

Il faudrait peut-être penser que la nomination d ‘Amélie est pertinente. Elle a parfaitement sa place à la tête de l’Éducation paralympique, semblant elle-même avoir quelques problèmes d’entendement et d’expression qui auraient fait sourire Alexandre Vialatte. Elle succède à son premier ministre à l’Éducation Nationale, dont elle torpille l’image qu’elle est censée relever. Image, fonctionnement et résultats dont on peut espérer qu’ils ne seront pas victimes d’un paquet d’heures d’absence de pensée de Madame la ministre. [ la ou le, au choix]. Celle-ci a exprimé des regrets si elle a pu blesser certains enseignants. On mesurera la sincérité de ces regrets qui ne portent que sur la forme et certains enseignants et pas sur le fond.

De qui se moque-t-on ?