Démontagner

Démontagner

22 octobre 2025 0 Par Paul Rassat

Démontagner, c’est regagner les vallées à la fin de la transhumance. C’est aussi le titre de l’album de Maxim Cain. Celui-ci fait la part belle au regard. Il perçoit, enregistre, compare. Le regard traduit une relation particulière avec la nature et le temps. Chaque lieu, chaque fait relevé entraîne soit un souvenir, soit une comparaison qui enrichissent le présent, le relient à une temporalité et lui donnent sens en le situant. Au risque parfois de l’alourdir d’habitudes, d’automatismes.

Le recours au noir et blanc densifie davantage encore la relation. Le dessin y apporte sa patte. Allant à l’essentiel, il capte l’essence.

Vivre la montagne

Du village où chacun regarde son ombre, dans les premières pages, le lecteur grimpe dans les montagnes pyrénéennes où jouent l’adret et l’ubac. Le berger s’y installe avec les bêtes qu’il garde. Il y a différentes façon de pratiquer la montagne. La vivre pleinement ou bien comme des touristes à la recherche d’un indice pour suivre leur jeu de découverte sur téléphone, ne voyant rien de la montagne elle-même. Jouer avec une application. Drôle de mot ! Là où certains s’appliquent à vivre, d’autres vivent une appli !

Regards croisés

Déceler ce qui ne se voit pas. L’ours ou les chiens errants qui attaquent les brebis. Voir indirectement grâce au vol des vautours. Se dire que, de la ville, ma présence de berger, ma patience, mon attention demeurent invisibles alors que les lumières de la cité inondent la nuit. Regards croisés qui ne se rencontrent pas. Patience. Accepter d’accompagner les bêtes plutôt que de les contraindre : elles ont leur propre volonté. Les textos servent l’intendance. On se déplace toujours plus haut, à la recherche d’herbe nouvelle.

L’ordre des choses

«  Le berger suit docilement l’ordre des choses. » Certains se souviennent de la « leçon de choses » qui apprenait par la pratique. La solitude est parfois collective, agitée par les éleveurs montés donner un coup de main. De nouveau seul. Surveiller, inspecter, soigner, rassembler, protéger. La vie devient géographique, chaque lieu a un nom, chaque nom désigne un lieu. Pas de carte ici. Tout est territoire naturel et vivant : nature, montagnes, rochers, bêtes. Crête de l’Ase, Montareing, Cruzous, caminole, passade de Ruhos, hount, Mariole, Quers Ners, sarrat…Tout vit dans la nature et dans les mots. Ce livre est un très bel hommage à la langue.