Denis Guedj « La gratuité ne vaut plus rien »

Ce brillant mathématicien avait tenu des chroniques pour le journal Libération. Denis Guedj les avait réunies et publiées sous le titre La gratuité ne vaut plus rien. À une nouvelle, un fait tirés de l’actualité il mêlait une approche logique et mathématicienne, parfois philosophique. Le tout était teinté d’humour. On retiendra aussi, de l’introduction, un passage sur la pensée hypothétique ainsi que quelques sous-titres : « Penser, est-ce un luxe ? ». « Il n’y a pas à désespérer du présent. » « La mètis. Les ruses de l’intelligence. » «  Défendre son opinion. La pratique de l’argumentation. » Voici quelques extraits de ce livre savoureusement intelligent.

Les irréguliers

Le plus souvent, la régularité devance la règle. Dans notre compréhension du monde, ce sont les charrues qui précèdent les bœufs. On commence par déceler des …régularités ; et on se dit qu’il doit bien y avoir une raison qui les force à être telles. Quelle est la règle qui les rend régularités ? En physique la règle s’appelle loi ; en maths théorème ; dans la vie, principe, commandement, prescription, coutume, usage… Sous le régime de Vichy, l’increvable Papon était régulier. Régulier au point d’en faire crever les autres. Parfois, pour la bonne marche des services, il faudrait dresser des panneaux « Attention, réguliers ! » Comme sur les routes de campagne, ceux que dresse la Prévention Broutière : « Attention, passages de troupeaux. »

Inférieur ou égal

« …L’égalité des races (dénoncée comme absurde par Jean-Marie Le Pen) n’est pas absurde ! Elle est insensée. Pour qu’elle fût absurde, il aurait fallu qu’elle eût un sens. Elle n’en a pas. Pour une seule raison : il n’y a pas de race(s) ! Il s’agit d’un concept vide, utilisé par des esprits vides, à des fins pleines de scélératesse…La réalité est la : il n’y a pas de races ET il y a des racistes…Vous en connaissez beaucoup, vous, qui disent :

1° qu’il y a des races,

2° qu’il y en a de supérieures

3° que eux appartiennent aux inférieures ? »

Il ne faut pas confondre ce que les mathématiques distinguent très bien, différent et inégal. Et de conclure en citant La Fontaine. « Quand l’absurde est outré, on lui fait trop d’honneur de vouloir, par raison, combattre son erreur. »

Principe de non-contradiction

« La réduction des déficits est la priorité. » (octobre 1995).

Deux affirmations du Président….

« On ne peut rien faire d’autre que ce que l’on fait, et qui ne marche pas, parce que si on faisait le contraire, cela ne marcherait pas non plus…Une opposition — qui était la majorité — censée dire le contraire de ce que dit la majorité, qui était l’opposition, et disant la même chose qu’elle, et le disant depuis dix ans. Un président de la République disant le contraire de ce qu’il avait dit, ce qui lui fait dire la même chose que ceux qui disaient le contraire de lui…Question : peut-il y avoir deux «  pensée unique » ? Sans « s » ?