Albert Dupontel | Adieu les cons

Albert Dupontel | Adieu les cons

25 octobre 2020 Non Par Paul Rassat

Le plaisir d’une éjaculation cinématographique et intellectuelle

Le véritable plaisir de ne pas avoir à résumer une œuvre irrésumable, foisonnante, exubérante, aboyante, explosant la raison, la logique, le quotidien, les cadres dans un absurde qui atteint le paroxysme en un coïtus interruptus consenti pour cause d’amour irrémédiable. Ouf !

Quand l’identité est un problème et quand la mémoire s’emmêle

Se joindre, se rejoindre, se disjoindre, être soi, même si l’on n’est pas « numérisé », enregistré, dossierifié. N’être que le fils de sa mère. Devoir son existence éphémère à un excès de permanentes capillaires, tout ceci pose des problèmes d’identité, surtout quand les patronymes vous glissent dans la mémoire.

La mémoire informatique croise Alzheimer, complète celle des archives tenues par un aveugle, bloque et débloque, parfois les ascenseurs du passé ou bien des sentiments.

Alors règne la confusion

La confusion gagne le règne du classement, de l’archivage, les forces de l’ordre et jusqu’au domaine des sentiments au point que le héros incarné par Albert Dupontel éprouve le besoin de déclarer « je suis un type normal. »

L’amour devient une pathologie, le discours psy dérape et justifie sa propre logique interne.

« La bêtise est une structure de la pensée comme telle : elle n’est pas une manière de se tromper, elle exprime en droit le non-sens dans la pensée. La bêtise n’est pas une erreur, mais un tissu d’erreurs. On connaît des pensées imbéciles, des discours imbéciles qui sont faits tout entiers de vérités… »

Gilles Deleuze — Nietzsche et la Philosophie

L’absurde éclate

Notre société explose de solitudes mitoyennes en open spaces. Elle dérive dans la volonté de tout contrôler et d’anéantir le hasard dans un souci de sécurité totalitaire. Elle rêve d’« un système puissant qui permet de relier tout à tout. » Elle culmine dans ses aboiements sécuritaires.

De solides références au rayon des souvenirs

Ajoutez à ce maelstrom la précision d’un film de Jacques Tati, l’étrangeté de Delicatessen, l’univers des Monty Python, vous aurez ainsi une lointaine idée de Adieu les cons. N’oublions surtout pas l’immense hommage que le film rend aux ronds-points ainsi que la contribution à la bande-son d’un tapotage informatique frénétique.

Revient alors à la mémoire le sketch d’un Dupontel faisant de la scène. La reproduction contenait déjà en grande partie ce qui explose maintenant dans Adieu les cons. Explosion qui n’est pas sans rappeler l’explosion initiale qui engendre la prononciation de chaque mot dans la langue anglaise.

À quoi sert cette critique ?

A rien, sans doute ; mais allez voir Adieu les cons. Et puis, à la fin de la projection, demandons-nous si nous faisons partie de celles et ceux à qui Albert dit adieu. À chacun sa réponse.