Festival de Lournand
20 juillet 2025 0 Par Paul RassatRencontre avec Jean-Michel Debarbat, pièce maîtresse du festival de Lournand.
Pourquoi un festival à Lournand ?
J’y suis arrivé en 85, venant de Paris où j’avais fini une école de mime. On m’avait proposé un rôle dans une pièce appelée Carmen du pavé, Carmen dans la rue, et je suis tombé amoureux de la région. J’y suis resté, tout simplement. L’idée du festival est venue tout simplement aussi. On formait une compagnie et on voyait que l’été on n’avait pas de boulot. D’où l’idée de faire quelque chose par nous-mêmes.
L’idée a semblé folle ; mais j’ai appelé plein de potes artistes, techniciens. Les choses se sont faites de bric et de broc la première année. Pour nous en sortir, nous avions estimé qu’il nous fallait 150 personnes par représentation. En pleine campagne ! Nous en avons eu 450 le premier soir. C’était il y a 23 ans.
Notre compagnie ne pouvait pas toucher à la fois des subventions pour la création et pour le festival. J’ai donc proposé aux personnes du village de créer une association pour que le festival perdure.
Il y a beaucoup de manifestations culturelles ici pendant l’été. Quelle est la place particulière du festival de Lournand ?
Il est pluridisciplinaire : théâtre, mime, clowns, cirque, musique.
Cette édition comporte beaucoup de musique.
C’est très variable, ça dépend de ce que je vois. Le budget entre aussi en compte. Et, même si nous avons maintenant une scène de 10 mètres par 10, des projecteurs, les possibilités techniques nous imposent des limites.
Le festival dure 5 jours, 6 cette année. Est-ce qu’il laisse des traces toute l’année ?
Je suis toujours surpris. Vers le mois de mai je croise des gens qui me demandent : « Alors, le programme c’est quand ? » Il y a une attente.

Il faut un budget, donc des partenaires . Mais ils forment un faisceau très important qui semble aller au-delà de l’aspect financier.
J’ai toujours voulu impliquer les gens du territoire. Il n’y a que le territoire qui puisse prendre en charge la vraie décentralisation de la culture ; les privés doivent en faire partie. Quand je les ai rencontrés, je ne leur ai pas fait la promesse de nouveaux clients. En revanche, je soulignais que leur action s’exercerait sur le territoire. Qu’elle contribuerait au bien-vivre local auquel la consommation est liée : c’est un tout.
Quant à la culture, elle est une ouverture d’esprit aussi importante que l’Éducation nationale.
Il y a un gros feuilletage avec les Scènes nationales très visibles, mais ce qui tient l’ensemble, ce ne sont pas ces gros repères.
Les grosses structures n’ont pas ma liberté. Nous n’avons pas les mêmes obligations. Et je suis totalement libre vis-à-vis des politiques. D’un autre côté, les gens viennent voir nos spectacles parce que c’est chez eux. Une grosse partie du public vient du territoire. Nous avions fait une enquête : 70% du public venait du Clunisois au sens large.
C’est une vraie façon d’être ensemble.
Surtout, oui. Le théâtre est fait pour ça. Pour se réunir, pour réfléchir ensemble, pour se faire plaisir ensemble. C’est pour ça que je fais le festival depuis 23 ans.
Cette année je remets en circuit tous les décors que j’ai réalisés dans ma carrière pour en faire autre chose. Amener les gens à être bien. Les deux choses que je dis au public, c’est : « Sentez-vous bien ici » et « Soyez curieux. » Tous ces décors qui vont former le village du festival sont de la récup. Comme la culture ! Un bon Molière aujourd’hui, ça marche toujours ! Les choses reviennent et on les traite différemment, en fonction de la société actuelle
Les retours du public sont importants. Les gens me disent s’ils ont aimé ou non. Ils ont le droit de ne pas aimer.
En réfléchissant à ce qu’on n’aime pas, on apprend à définir ce qui nous plaît. Il faut pouvoir comparer.
On développe son esprit critique.
Une anecdote. Pour les 20 ans du festival, il avait été décidé d’offrit une place pour chaque maison de Lournand. Une personne qui n’était jamais allée au théâtre, hésitait à y mettre les pieds, s’est finalement décidée et y est revenue deux soirs suivants. Et puis les jeunes bénévoles que Jean-Michel oblige à assister aux spectacles. Le pensum devient curiosité et plaisir.