Financement de la création théâtrale   publique : nouvelle voie

Financement de la création théâtrale publique : nouvelle voie

15 juillet 2021 Non Par Paul Rassat

Conversation avec Vincent Perraud, président de la compagnie Demain dès l’aube. Celle-ci organise le Festival de Malaz en soutien à l’émergence. C’est justement pendant le festival que s’est tenue une table ronde réunissant de jeunes artistes et Fabien Géry, élu en charge de la culture d’Annecy. Vincent Perraud y a évoqué une idée qui mérite réflexion. Elle permettrait de renforcer intelligemment le financement de la création théâtrale et culturelle publique.

Naissance d’un parcours

— Avant d’être président de la compagnie en 2018, j’ai d’abord été son administrateur, au côté d’Hugo Roux, pour toutes les questions non artistiques.

Le rôle qui permet à l’artiste de se concentrer sur son art.

Qui permet à un artiste comme Hugo d’avancer et de se focaliser sur son métier en lui apportant un soutien sous différentes formes : RH, communication, finance, logistique. Aujourd’hui Marion Berthet est administratrice de la compagnie. Je connais Hugo depuis l’enfance. J’ai eu la chance d’assister à sa première mise en scène, « Le mal de la jeunesse » de Ferdinand Bruckner à L’Auditorium de Seynod en 2013. J’ai tellement aimé ce travail que j’ai proposé mon soutien à Hugo. J’étais encore étudiant à Science Po et j’avais quelques compétences qui pouvaient compléter les siennes et servir son projet.

Les enjeux liés au financement

Ce parcours d’études, d’activité aux côtés d’Hugo t’a conduit à réfléchir au financement de la culture publique.

Oui. Mon travail en finance dans l’économie sociale et solidaire aussi. Comment soutenir l’émergence dans le théâtre public alors que les subventions diminuent. Elles jouent un rôle important dans le fonctionnement d’une compagnie parce qu’elles garantissent aussi l’indépendance de l’artiste. Il ne s’agit pas de réduire les enjeux du théâtre à la rencontre du public et à une démarche strictement commerciale. 

Table ronde avec Vincent Perraud, Hugo Roux et Fabien Géry de face. On aura relevé que la première photo illustre le comble du metteur en scène : ne pas monter.

Le « social impact bond » : contrat (et financement) à impact social     

Un mécanisme de financement existe. Je m’y frotte par ma vie professionnelle. C’est le contrat à impact social. Il existe sur des projets de très grande envergure et arrive en France. Il comporte des contraintes de mesure d’impact mais constitue un intermédiaire intéressant entre des structures de financement recherchant à soutenir des lieux d’impact. On parle alors de fonds à impact social. Intermédiaire donc entre les investisseurs et l’État qui intervient en subventions et qui peut grâce à ce modèle continuer à soutenir la culture publique en garantissant l’efficacité de son financement. Je pense par exemple à une compagnie avec des actions culturelles et des créations / spectacles.

Un fonctionnement vertueux au service de la création

Avec ce contrat à impact social, on a une association qui fait très bien son travail. Elle s’engage, avec les moyens qu’elle reçoit, à mettre en œuvre un certain nombre de projets. Les fonds ne viennent pas directement de l’État mais des investisseurs à impact. Ceux-ci ne pouvaient pas jusqu’alors investir dans des associations sans modèle économique. Au bout de X années, on vérifie l’impact des projets mis en œuvre et, une fois celui-ci si vérifié, l’État rembourse aux investisseurs leur mise de fonds augmentée d’un pourcentage de rémunération plutôt réduit.

Finalement tout le monde s’y retrouve. L’association accède à des financements nouveaux. Les investisseurs soutiennent de nouveaux projets impactants. L’État gère mieux ses subventions.

Si nous revenons au théâtre public, la compagnie a pu mener à bien ses projets en toute indépendance. L’État verse sa subvention une fois le projet réalisé. L’investisseur a pu soutenir des associations qui font bien leur job.

Revoir la façon d’évaluer la véritable portée de la création

Adapter ce fonctionnement à la culture nécessite de réunir toutes les parties prenantes et d’établir un plan d’action. Le plus grand travail consiste à comprendre et à évaluer l’impact que l’on recherche. Quel est l’impact de la culture ? Qu’est-ce qu’une création à succès ? Dépend-elle du nombre de public qu’elle touche ? De la manière dont elle le change ? De la diversité du public concerné ? L’évaluation doit-elle s’arrêter à cette rencontre avec un public ? La compagnie Demain dès l’aube intervient en milieu scolaire, dans les EHPAD mais elle a aussi besoin de créer des spectacles dans d’autres configurations moins faciles à cerner en matière d’impact. Nous avons envie de nous engager pleinement dans cette voie et Demain dès l’aube a entamé une réflexion sur la notion d’impact.

Redéfinir les enjeux de la création et de la culture

Après la discussion, Talpa a rapidement creusé la question. Effectivement, tout serait à mettre en place dans le domaine culturel. Et c’est rudement intéressant. Tout autant que la réflexion sur l’impact de telle ou telle profession.

Démarche à suivre avec intérêt parce que sociale, économique, culturelle, innovante et parce que Vincent en parle avec passion. Cette démarche offre une véritable liberté aux créateurs en les responsabilisant davantage encore. Ce n’est pas toujours le cas du mécénat qui attend parfois des retours mercantiles.