Hommage au théâtre, à la culture, à la vie
11 septembre 2021Ce 9 septembre 2021 fut la première journée d’hommage à Gaby Monnet, organisé au château d’Annecy par l’association Yaniléo. Michel Vinaver y a retrouvé cette cour qui accueillit les Nuits Théâtrales du Château au lendemain de la Libération. Elles firent partie de ce formidable mouvement d’où naquirent à Annecy toutes les structures qui ont engendré le Festival du Cinéma d’Animation, Bonlieu Scène Nationale…Le théâtre de la ville comprend une salle « Gabriel Monnet » dont le nom apparaît très, trop discrètement sur les murs. Si Gaby fut fait citoyen d’honneur d’Annecy, il n’avait pas pu y monter « Les Coréens », pièce écrite par Michel Vinaver. Le pouvoir de l’époque était trop cauteleux pour autoriser un regard sur la colonisation après les « provocations » d’ « Ubu roi » déjà représenté au château ! En cette période virale, l’hommage à Gaby Monnet revêt l’intérêt vital d’une piqûre de rappel.
Résistance et révolte
« Ça fait drôle de se retrouver au château » déclare mezzo voce Michel Vinaver en redécouvrant la cour. Il était repassé dans les lieux de la grande aventure culturelle de l’après-guerre en 2015. Sa conférence d’alors retraçait l’élan né de l’esprit de la Résistance. Il en indiquait les grandes lignes, Peuple et Culture, les noms qui avaient porté ce mouvement, dont le sien et celui de Gaby Monnet.
Conversation avec Michel Vinaver et Retour aux sources
Michel Vinaver, à dix ans déjà vous aviez un esprit de révolte qui vous a porté pendant toute votre carrière. Vous écriviez « La Révolte des légumes » contre le jardinier. Vous avez gardé ce regard acéré pour traiter de politique, de société.
Je suis d’accord. (la voix porte un certain amusement chantant). Je suis d’accord, on peut dire ça. D’où me vient ceci ? Mon grand père, Maxime Vinaver a été actif politiquement. Il a été l’un des fondateurs du parti constitutionnel démocrate en Russie. À ce titre il a été élu à la première Douma qui fut dissoute rapidement par le tsar. Celui-ci ne voulait pas de cette invitation à transformer un régime absolutiste en régime constitutionnel. Mon grand père a été ensuite contre les bolchéviques.
Images tirées du documentaire réalisé par Yaniléo, Radio Semnoz, Michel Odesser, Joseph Paléni, Hugo Roux…
« L’odyssée de la vie journalière »
Vos racines, l’exil de votre famille ont peut-être joué dans votre écriture. Vous avez d’ailleurs changé de voie après deux romans chez Gallimard et l’appui d’Albert Camus.
Je me souviens que la chemise de Gallimard qui entourait mon premier roman « L’atome » portait le slogan « L’odyssée de la vie journalière ». La vie journalière a toujours été pour moi sujet d’étonnement, et à partir de cela d’exploration. J’ai toujours voulu savoir ce que c’était que cette vie journalière. Quelle était sa part dans nos destins. Elle est devenue aujourd’hui un sujet banal. À cette époque j’étais assez novateur, d’autant plus que je m’y intéressais au ras des pâquerettes. Dès lors que j’ai écrit du théâtre, mon axe a été la vie banale, la vie quotidienne d’un village en Corée d’une part. À l’intérieur d’une escouade de jeunes soldats français d’autre part. Leurs conversations étaient liées à la banalité. La banalité comme sujet d’étonnement.
Le « lieu » du théâtre
C’est presque un oxymore et c’est ce qui en fait l’intérêt. D’où votre écriture. Vos personnages s’expriment autant que vous les exprimez : vous les pressez, ils disent tout. Au point qu’il n’y a pas besoin de décor.
Oui. C’est d’ailleurs ce qui fait que mon écriture s’est trouvée tout à fait à l’aise sur le plateau nu qui occupait le sol du château.
Vous dites que vous avez trouvé, avec l’écriture de théâtre, votre « lieu d’écriture ». Le lieu est à la fois le théâtre comme bâtiment, la scène, les rencontres que vous suscitez entre les acteurs, le public et vous. C’est ce qui vous ramène à Annecy. Qu’éprouvez-vous à l’occasion de l’hommage rendu à Gaby Monnet ?
Tout simplement le cours, le flot de l’Histoire qui me saisit puisque, pour ce qui me concerne, tout a commencé par la rencontre de Gaby et du château. Je l’ai connu dans ces murs-là.
Vous êtes associé très étroitement à l’hommage rendu à Gaby.
Oui, je le sens bien… et c’est pas souvent que ça arrive !
« Les Coréens », enfin !
Sous la direction d’Hugo Roux, acteurs professionnels, amateurs, étudiants en classe théâtre donnaient ensuite une mise en espace du texte de Michel Vinaver. La nuit, le vent, quelques gouttes pour baptiser la représentation chargée d’émotion et applaudie par l’auteur.