Journal inquiet d’Istanbul 2007-2017
25 mai 2025Voici le 2° volume du Journal inquiet d’Istanbul réalisé par Ersin Karabulut. Belle mise en abyme du journal personnel de l’auteur et du journal UYKUSUZ auquel il contribue.
Byzance, Constantinople, Istanbul. Trois noms pour une même ville qui se situe à la charnière de l’Europe et de l’Asie. Ville qui porte un riche passé où se mêlent plusieurs civilisations.
Ersin Karabulut poursuit son Journal inquiet d’Istanbul et, ce qu’annonce le bandeau placé sur le livre : « Le combat d’un caricaturiste pour la liberté d’expression. » Cet axe serait en lui-même suffisant pour produire un album réussi. Mais l’auteur sait mêler à la perfection le quotidien, sa vie personnelle, l’aventure d’un journal auquel il a participé et l’Histoire. Celle-ci permet de recouper la restriction des libertés en Turquie avec, par exemple, l’attentat à Charlie.
Une sorte d’anti héros profondément humain
Ersin Karabulut a l’ honnêteté de ne jamais se présenter comme un héros , mais comme une personne lucide, attachée à des valeurs de liberté et de démocratie, étonnée que ses proches aillent dans le sens inverse. Les attentats de Charlie lui suggèrent cette réaction : « On se dit : « Ça n’arrive pas qu’aux autres ». Ce n’est que quand on est soi-même visé qu’on « réalise » pleinement. » On pense alors au texte de Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
On pense aussi à Matin brun de Franck Pavloff.
Burn out social et personnel

Suit l’évocation de la secte du prédicateur Fethullah Gülen et ses connexions avec de pouvoir d’Erdogan. L’assassinat de l’écrivain Necip Hablemitoglu qui avait dénoncé la secte. La majorité absolue d’Erdogan étant discuté en 2015, un gouvernement de coalition devait être envisagé. Mais le pays prit une autre direction : nouvelles élections à venir, attentats, coup d’État, rétablissement du pouvoir d’Erdogan. Ersin Karabulut a l’extrême finesse de présenter tout ceci dans un enchaînement purement temporel. Au lecteur de combler les relations de cause à effet.
Résultat ? Burn out de l’auteur. Départ pour 6 mois aux USA et conclusion : « Un sentiment extrêmement puissant, qui parfois semble s’évaporer avant de revenir encore plus fort : l’espoir. FIN ( À suivre encore). » Avec intérêt et plaisir.