Juste après le brouillard,  les sténopés de Claire Lesteven s’exposent

Juste après le brouillard, les sténopés de Claire Lesteven s’exposent

28 novembre 2020 Non Par Paul Rassat

Il faut qu’il y ait un ailleurs

Claire Lesteven

L’effet sténopé

Une vue sur le hall de l'exposition avec son subtil jeu de miroir.

Claire Lesteven maîtrise les aléas du sténopé, cette chambre photographique simplement percée d’un trou par lequel entrent la lumière, le temps, la photographe et l’ouverture au monde qu’elle propose au spectateur. Un monde proche, familier et étrange à la fois, tissé de points de vue différents qui s’assemblent en une réalité nouvelle. Des pauses, des respirations dans notre relation au monde et à nous-mêmes.

Claire Lesteven présente son exposition "Juste après le brouillard".
Claire Lesteven

En se promenant dans Juste après le brouillard, on éprouve que le voile de celui-ci est encore présent. On navigue dans ce moment de bascule, d’entre deux, entre chien et loup, présence/absence dans une atmosphère fantomatique.

La perfection artisanale

Le procédé du sténopé tel que le pratique cette artiste ouvre des perspectives mentales. Pratiquement n’importe qui peut fabriquer un sténopé et l’utiliser pour capturer des images. Claire, elle, entre parfois dans la chambre noire quand celle-ci prend les dimensions d’une citerne. La photographe devient l’appareil, se confond avec lui ! Pour réaliser la série de douze vues d’Annecy, Claire a transformé le Refuge Tonneau de Charlotte Perriand en appareil photo.

Le Refuge-Tonneau de Charlotte Perriand

Alors que nous croulons sous la profusion d’images et d’informations que déversent les médias, il est tellement agréable de goûter à l’unicité de chaque image exposée ici ! Au ready made Warholien, à l’identité dissoute dans la reproductibilité s’oppose paradoxalement l’évanescence artisanale du sténopé.

Un appareil technique et mental

Revenons à l’étymologie du mot appareil, qui voisine avec apparat. Au 12ème siècle, apareiz désignait un arrangement somptueux (TLFi). Parmi les nombreux sens du mot, on retrouve « l’appareil de l’Etat », une préparation pour la confection d’un mets et, bien sûr, l’appareil photographique avec lequel il est possible d’appareiller vers de nouvelles contrées que nous dévoile Claire Lesteven. Appareiller est d’autant plus important en cette période de confinement. S’évader. Aller par le regard, par l’imagination, par l’art au-delà des murs. Même s’ils ne sont pas visibles en ce moment, les sténopés respirent sur les murs de l’Abbaye, font signe à ceux qui ont eu la chance de les voir déjà et attendent les autres, plus tard.

On note, en voyageant dans l’exposition que les œuvres se parlent, renvoient l’une à l’autre. Les reflets qui envahissent le cadre d’une photo, gênants dans le premier temps, lui donnent vite une profondeur qui résonne avec l’ensemble de l’exposition.


Si le travail de Claire Lesteven vous intéresse et que vous souhaitez creuser plus profond encore, son exposition Après le brouillard vous attend à la Fondation Salomon jusqu’au 20 décembre 2020.