La domination, la magie et le sacré. Et le pouvoir!

La domination, la magie et le sacré. Et le pouvoir!

25 avril 2021 Non Par Paul Rassat

Le sacré et le profane

Tout ordre social hiérarchisé est structuré par des rapports de domination. Il repose sur des « valeurs » collectivement admises ou respectées, des croyances collectives en l’importance de « biens » (moraux, culturels ou matériels) ou de « pratiques ». Ces valeurs constituent le domaine du sacré et se distinguent du profane. Les dominants tissent des liens permanents avec le sacré et renvoient les dominés du côté du profane. Ils tirent leur légitimité du sacré. Ce réseau de relation au pouvoir en perpétuelle évolution se présente comme des états de faits. Une complicité existe entre dominants du passé et du présent unis par la même relation au sacré pour asseoir leur domination.que les dominés subissent.

Rapports de force

Toutes sortes de gradations existent à l’intérieur de ce rapport de force dominants/dominés. Les premiers captent à leur seul profit la dimension sacrée. Ils en tirent des propriétés symboliques qui dépassent leur personne : prestige, charisme, charme…Ils bénéficient de la puissance que leur reconnaît le groupe. Une désirabilité collective se forme pour des choses de valeur. Elle participe à l’intériorisation de la séparation entre le principal et le secondaire,…le signifiant et l’insignifiant, le remarquable  ou l’exceptionnel et l’ordinaire, le légitime et l’illégitime, c’est-à-dire entre le sacré et le profane. Rituels de rattachement au sacré, d’appropriation sont en lien avec des stratégies dynamiques.

Fictions du pouvoir

« Le rôle du sociologue consiste à démonter les fictions du pouvoir (aux effets bien réels) et à mettre au jour l’ensemble des conditions dans lesquelles un pouvoir peut s’exercer, avec la contribution plus ou moins active des dominés. » Tout ceci est repris du livre de Bernard Lahire.

La société contre l’État  Pierre Clastres

« Entre Nietzsche, Max Weber…ou l’ethnologie contemporaine, la parenté est plus proche qu’il n’y paraît et les langages diffèrent peu de se dire à partir d’un même fond : la vérité et l’être du pouvoir consistent en la violence et l’on ne peut penser le pouvoir sans son prédicat, la violence. Peut-être en est-il ainsi…Mais il faut précisément s’en assurer et vérifier…si, lorsqu’il n’y a pas coercition ou violence, on ne peut pas parler de pouvoir. »

Pierre Clastres La société contre l’État Les Éditions de Minuit 1974

Pierre Clastres parle ici des sociétés archaïques. Pourquoi ne pas poser la question à propos des sociétés contemporaines ? En janvier 2021, une responsable de la Gendarmerie Nationale déclarait à la radio que le maintien de l’ordre étant une prérogative de la gendarmerie et de la police, les violences ne pouvaient être que des bavures individuelles.

Le sacré justifierait la violence ?

Le pouvoir ? Régalez-vous !

L’État français est une République…qui exerce des droits régaliens. Étymologiquement, des droits qui relèvent du roi. Les Armées, l’Intérieur, la Justice, l’Économie et les Finances, les Affaires Étrangères. Un pouvoir régalien en République. C’est pourquoi certains peuvent avancer que le maintien de l’ordre est une prérogative de l’État et que celui-ci, ipso facto, ne peut commettre de violence.

Le pouvoir s’exerce en des palais,  non dans la rue.

Doléances

Jean Ziegler rappelle les cahiers de doléances et l’une d’elle, datée du 4 octobre 1789 :

«  Nos seigneurs…Les pauvres et les mendiants du royaume de France, entièrement séparés de vos Seigneuries, auraient le droit de prétendre former un quatrième ordre dans l’Etat. Nul n’aurait comme lui autant de sujets de se plaindre et des redressements de griefs aussi nombreux à demander. Tous les droits qu’ils tiennent de la Providence suprême ont été violés. Mais l’admission de notre ordre aux Etats Généraux, tout équitable qu’elle serait, ne ferait qu’embarrasser la marche de ses délibérations…Vos seigneuries, choquées de voir réunis ensemble les deux extrêmes et les intermédiaires de la société, trouveraient notre nudité révoltante, nos haillons ignobles et dégoûtants et craindraient la contagion de la vermine qui nous couvre…Mais lorsque nous renonçons en votre faveur aux droits le plus naturel et le plus légitime, daignez au moins vous charger de la défense de nos droits ».

Le capitalisme expliqué à ma petite fille (en espérant qu’elle en verra la fin)

L’éternelle fracture sociale

Rappelez-vous la fracture sociale selon Raffarin. Sans doute, la formule citée sur Wikipédia vient-elle de Marcel Gauchet.

« Un mur s’est dressé entre les élites et les populations, entre une France officielle, avouable, qui se pique de ses nobles sentiments, et un pays des marges, renvoyé dans l’ignoble, qui puise dans le déni opposé à ses difficultés d’existence l’aliment de sa rancœur. »

 1985 Le désenchantement du monde

Chirac ira de son refrain et le « En même temps » a pu être compris par certains comme l’invention de la fermeture éclair politico-économico-sociale. En même temps, ils semblent s’être trompés. Par-delà la mer, un souverain avait fait tirer sur son peuple manifestant contre l’augmentation du prix du pain. L’emploi du mot « populace » pour désigner ceux qui étaient dans la rue l’autorisait à ces opérations de maintien de l’ordre. Celles-ci nous renvoient à l’Algérie d’avant 1962.