La Mouette version Cyril Teste : très belle envolée

La Mouette version Cyril Teste : très belle envolée

8 octobre 2021 Non Par Paul Rassat

La Mouette, mise en scène, mise en plis et déploiement du sens. Bonlieu scène Nationale jusqu’au 10/10/2021

Cyril Teste déploie dans sa mise en scène tout les sens possibles  qu’offre le texte de Tchekhov. Le public reçoit des informations visuelles, sonores de quatre lieux qui trament entre eux une réalité fluide, mobile, complexe. Un écran modulable est plaqué sur une pièce qui occupe le centre de la scène. Il figure cette peau de réalité, cette pellicule fine et fragile, cette surface de frottements érotique, sexuelle, intellectuelle, conflictuelle, psy où se rencontrent nos destinées. Visible ou recouverte par l’écran, cette pièce pourrait bien être l’atelier de la création, une forme d’inconscient et de réserve culturelle ou psychologique. La scène traditionnelle communique avec des coulisses qui ne sont pas dissimulées et en font ouvertement partie. Tout communique. [ Photographie © Simon Gosselin]

Un sacré chantier, la vie ! La scène aussi

Elle est un chantier toujours en mouvement comme celui dans lequel se déroule la représentation de La Mouette. Elle est aussi un puzzle composé de pièces en ajustement constant, en rééquilibrage permanent.

Nous sommes des Picasso

Une multiplicité de points de vue, d’angles nous composent en une réalité mouvante. Nous sommes des Picasso en mouvement. C’est ce que rend particulièrement bien l’approche du théâtre que propose Cyril Teste. L’intime, l’extime et le public s’y conjuguent. Le résultat représente l’impalpable de nos vies. Le spectateur regarde là et autre chose se passe en même temps qui lui échappe presque. Il le découvre dans un jeu permanent de focalisations diverses. Quand certains nous enjoignent de regarder la réalité en face, La Mouette l’examine sous tous les angles, la visite, s’y introduit, relie les neurones, le cœur et les tripes.

Perspective et mise en abyme

Plus qu’une représentation, l’expression d’une nécessité intérieure

Cette projection cinématographique en temps réel d’une représentation de théâtre en train de se dérouler pose question. Le résultat en est une hybridation entre le théâtre et le cinéma dont le montage (faussement) se ferait sous nos yeux ! Mais surtout le résultat permet d’aborder la question que Tchekhov pose. Quelle est la nécessité de l’art ? Il est possible d’avoir du succès en appliquant des recettes. D’être artiste, même à succès pour régler des comptes. Ou bien de ne pas percer malgré l’impérieuse nécessité d’être artiste. Pour Jean-François Billeter, c’est la maîtrise du corps et de la technique qui, associée à une nécessité intérieure, crée la liberté. La Mouette meurt-elle libre ? En tout cas, quand certains tartinent le théâtre de couches linguistico gesticulatives, d’autres, dont Cyril Teste, en approfondissent le sens.