Pascal Rambert. Pourquoi je n’irai pas voir « Toi »

Pascal Rambert. Pourquoi je n’irai pas voir « Toi »

7 octobre 2021 Non Par Paul Rassat

Le théâtre de Pascal Rambert est reconnu et applaudi, même si quelques critiques négatives percent à son sujet. J’ai pu voir  trois pièces de Pascal Rambert ces dernières années à Bonlieu Scène Nationale. Voici quelques courts extraits des critiques qu’elles m’avaient inspirées. [En photo, « À tutu et à toi, pour la légèreté]

Actrice

Plutôt artificiel, comme les bouquets sur scène. Le temps, l’amour, la mort la responsabilité, la liberté, le théâtre, le temps, le temps, la mort…les thèmes défilent et le temps se fige en une sorte d’ennui intéressé, à attendre que la représentation quitte enfin la voie démonstrative… Finalement, l’intérêt d’une pièce dans laquelle on n’entre pas suscite une véritable réflexion sur le théâtre !

Sœurs

Quand le théâtre fait son cinéma et se donne en spectacle…«  Levez-vous ! C’est les larmes dehors, c’est la peur, c’est horrible ! »

   Cette apostrophe au public m’a fait penser à ce petit livre d’Eric Chauvier Les mots sans les choses, comme si nous fonctionnions de plus en plus par éléments de langage, de réalité, d’émotions, de prise de conscience. «  Levez-vous ! C’est les larmes dehors, c’est la peur, c’est horrible ! »   Tragédie du langage aussi :                                                                             « Tout est impacté, comme on dit. »

« La marche du monde, tu t’en tapes. »

« Tu signes des pétitions mais dans la vie tu es un être abject. »

Architecture     

_ Jamais deux sans trois. « Actrice » et « Sœurs » m’avaient donné la même impression. Quelques mordus de Rambert m’avaient assuré que c’est normal, c’est moderne, d’où l’absence de véritable narration. Mais la narration, je m’en fiche ; Diderot était déjà drôlement moderne. Pour moi Rambert est aussi moderne que l’architecture de Portzamparc à Annecy est futuriste…dans le style années 60. Ces trois pièces habillent de langage quelque chose dont l’existence-sous cette forme- ne semble pas nécessaire, ce qui en fait des re-présentations excentrées, excentriques.

_ C’est peut-être l’intention de l’auteur/metteur en scène.

_ Pourquoi pas ? Mais ces interminables tirades sur l’importance- avérée-du langage n’épargnent pas le spectateur, lui infligent explications, commentaires, définissent le langage performatif, des fois que… In extenso les acteurs effectuent devant le public leur gymnastique mentale imposée par le texte, mais les bonnes intentions ne suffisent pas. On sature, tout est surligné, surjoué.

Redondance pléonastique et répétitions

Chris Esquerre nous disait qu’il Il fait sur scène une moitié du chemin, le public doit faire l’autre moitié. Le rire naît de la rencontre. Leonardo di Costanzo déclare « Je fais travailler le public. »  Pour Umberto Eco une lecture se mérite. Pascal Rambert, lui, semble s’adresser à un public ignare auquel il explique tout. « Regardez bien, ce que nous faisons devant vous est du théâtre ! » Il rejoint ainsi Gad el Maleh et son sketch sur la fast food qui vous montre en photo « qu’est-ce que tu vas manger. » Ou bien ce dessin de Sempé. On y voit une jeune femme accueillant des élèves dans un musée. Elle leur annonce «  Je vais vous montrer ce que vous allez voir. » Comme on gave les oies, on gave le public et on le lui fait savoir. Celui-ci en sort repu d’une nourriture sans calories intellectuelles.

La flûte plutôt que le cor et le Power Point

« De la musique avant toute chose…

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor ! »

Cependant la tendance actuelle serait plutôt au cor doublé d’une grosse caisse et d’un klaxon. Du genre « Je lis les images et le texte en même temps que je les projette grâce à Power Point ». Dans le style « Moi, perso, je pense que…l’idée, c’est de… » Quant à la nuance, on l’exprime avec des guillemets digitaux à la place des mots ou bien on la réduit à des émoticônes. Alors, pourquoi pas du Pascal Rambert ? Actrice, Sœurs, Architecture, Toi…Si le propos de la pièce pouvait s’accorder à la concision du titre !