La peur

La peur

4 juillet 2024 0 Par Paul Rassat

Voici l’épilogue d’un article consacré à la peur et publié sur Cairn https://doi.org/10.3917/gs1.150.0017

« La peur est ressentie comme une émotion négative ; cependant, elle peut parfois devenir un plaisir quand il n’y a pas de danger. Ceci explique pourquoi, dans des conditions de sécurité, les romans ou les films d’épouvante ont un tel succès ! »

Photo © Christophe Rassat

Savoir !

Allez donc savoir si la peur qui développe dans la population l’adhésion au RN est ou non un plaisir. Mais c’est bien sur cette peur que prospère le RN. Peur de l’autre, de l’étranger, même dans des régions où l’étranger est presque absent. La peur diffuse par capillarité, par anticipation. Par peur en quelque sorte, comme une contamination. Nous avons eu peur du virus de la COVID et nous sommes masqué le visage. Nous ne tolérons pas les visages voilés, par transposition. La peur de l’autre cristallise toutes les peurs : la situation économique, la compétition mondiale, le déclassement éventuel du pays, la peur de l’avenir personnel, la peur de l’inconnu. Il y faut un responsable : l’autre ! Rassemblons-nous contre le « pas comme nous ».

Le bouc émissaire

Déjà évoquée par Talpa, la théorie du bouc émissaire développée par René Girard. Nos religions et nos sociétés se sont créées sur le sacrifice de certains pour souder le reste de la société. Sacrifices d’animaux, sacrifices humains que l’on retrouve dans l’Histoire, dans la mythologie, partout. Ce sacrifice résout-il nos problèmes ? Il est davantage un paravent, un ersatz de solution, une facilité dangereuse qui, amplifiée, dégénère en conflits et en guerre. Si «  On est chez nous » pour nous rassurer, qu’en sera-t-il de nous quand nous irons chez les autres ? Ce repli sur soi rappelle aux Savoyards le temps pas si lointain ou le type de la vallée voisine était un étranger.

Un exemple, les JO…de 1992

Interviewé il y a quelques années, encore négociateur du Brexit, Michel Barnier confiait :

« La Savoie a joué la carte de l’ouverture et de l’accueil du monde entier avec les Jeux, ouverture qui se prolonge dans son économie touristique d’été et d’hiver, un parc national, deux parcs régionaux, des sites remarquables, des stations de haute ou moyenne altitude, le ski de fond ou alpin. Nous sommes aussi un département et une région limitrophe de la Suisse par la Haute-Savoie, de l’Italie avec le val d’Aoste,et le Piémont. Nous sommes reliés à d’autres pays, à d’autres régions par des tunnels …ce qui fait que nous sommes naturellement ouverts et en symbiose avec d’autres pays européens. Je n’ai jamais pensé qu’il y avait une difficulté à être dans ses racines territoriales, dans une culture, dans une tradition, être un patriote à travers la nation dont nous faisons partie et en même temps être fièrement Européen.

Je pense même que tout va ensemble. Je reste attentif au fait que l’Europe soit une construction qui se bat pour l’unité et pas du tout pour l’uniformité.

N’oubliez pas une chose qui a été une révélation pour moi à l’occasion des Jeux et en quoi je crois encore aujourd’hui : la politique est un mandat qu’on vous confie pendant un certain temps, un budget, qui est celui de tous les contribuables, des lois, des directives européennes, des règlements et, à la base de tout, naturellement, des convictions et des valeurs, tout ceci pour créer du progrès collectif. L’idée de moral collectif, à mes yeux, en fait partie. C’est ce que j’ai vu avec les Jeux ; des gens de toutes opinions, de toutes sensibilités ont eu le sentiment de s’améliorer, de progresser personnellement, individuellement en participant à une aventure collective. C’est pour moi une leçon durable qui s’applique à bien d’autres circonstances que les Jeux Olympiques. »

Régression

Serions-nous en totale régression par rapport à 1992 et aux Jeux d’Albertville? Dans un repli sur soi qui fait peur. La France qui a peur fait peur aux autres pays.