Le pouvoir, la démocratie, la conversation

Le pouvoir, la démocratie, la conversation

26 novembre 2022 Non Par Paul Rassat

Le jeune député Antoine Armand tenait ce 24 novembre 2022 réunion publique à Annecy. Rapide aperçu. Qui traite de la relation entre le pouvoir, la démocratie et la conversation plutôt que l’échange caricatural. ( En photo, le livre de Théodore Zeldin, indispensable!)

Le lien avec les gens

Le député, en préambule, souligne la nécessité fondamentale de garder le lien avec le terrain. Les relations avec les citoyens, avec les élus locaux sont essentielles. Il ne s’agit pas de traiter des dossiers mais des questions qui concernent des gens. Dans cette première partie de la réunion publique est développée l’importance de la conversation entre élus, entre partis opposés, entre élus et citoyens afin de pratiquer pleinement la démocratie. Il y a bien ici ou là quelques expressions qui relèvent d’une approche administrative mais Antoine Armand en est conscient. Il faut simplifier le feuilletage et le tempo administratifs qui créent un écart entre le pouvoir, la réalité ressentie et la réalité politique.

 Esprit critique

Antoine Armand Photo ©J-Marc Favre

« Je fais une critique sur ces lois d’urgence. Puisqu’elles sont d’urgence, elles sont forcément imparfaites…Personne ne rêvait de mettre des milliards dans le soutien à l’énergie fossile. (à propos de la réduction sur les carburants)….Il n’y avait pas d’autre solution que cette réduction immédiate… (Antoine Armand développe alors le ciblage de mesure qui est actuellement à l’étude afin de rendre celles-ci plus pertinentes.) On ne peut pas se contenter de culpabiliser des personnes à cause de leurs déplacements, de les accuser de dégrader la planète si on ne leur offre pas une solution viable de remplacement… »

Complexe et compliqué

Voici un élu qui semble animé de bonnes intentions. Lucide. Prêt à voter selon son esprit critique et non comme un godillot. Il explique la complexité de sa vision. Et puis le moment des questions est venu. La première intervention porte sur la violence, l’insécurité liées «  On le sait » à l’immigration. Opposé à la réflexion, un argument d’autorité, « On le sait » qui interdit tout échange réel. Cette personne dans l’assistance n’est pas ici pour discuter mais pour caricaturer  et imposer un point de vue. Il ne s’agit que de faire énoncer publiquement à un député le lien entre immigration et insécurité. Réduire une réalité complexe au rapprochement de deux mots. La tendance aujourd’hui, dès qu’une situation est complexe, est de dire « C’est compliqué ». Et l’on simplifie, caricature, déforme pour faire « simple », digeste.

Affirmer n’est pas réfléchir

«  Le Français dit que l’appétit vient en mangeant, et ce principe expérimental reste vrai si on le parodie en disant que l’idée vient en parlant…C’est une chose toute différente lorsqu’avant tout discours la pensée est déjà achevée dans l’esprit. Alors l’esprit n’est occupé que d’expression et ce travail, loin de le stimuler, a plutôt pour effet de calmer son excitation.

    …Si donc une idée est exprimée confusément, il n’en résulte pas du tout qu’elle ait été pensée de même : il ne serait pas impossible que les idées les plus confusément exprimées fussent les plus clairement pensées… »

À mettre en regard du fameux « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. »

Heinrich von Kleist L’élaboration de la pensée par le discours

Vouloir le pouvoir

Souvenir de campagne présidentielle Ségolène Royal / Nicolas Sarkozy. Meeting d’Arnaud Montebourg. Chaque fois que l’orateur prononçait un nom d’élu de droite, huées. Applaudissements pour les élus de gauche. Simplification à l’extrême. La caricature poussée à l’extrême et sans humour est littéralement une charge pour le pouvoir et non le moyen d’y accéder intelligemment. Le pouvoir ne doit pas être figé comme la pensée préétablie et immuable ; il se construit en permanence avec la réalité, avec les autres. Il est cependant plus facile d’asséner des certitudes que d’élaborer sa propre pensée.

Fausses certitudes

René Girard montre que les sociétés se renforcent autour de la notion de bouc émissaire. Il est plus facile de souder un groupe en dénonçant quelques uns que de trouver de véritables solutions. Lorsqu’ Hitler entame sa conquête du pouvoir, l’Allemagne compte environ 2% de Juifs très bien assimilés au pays. Certains ont été décorés pour leur bravoure pendant la première guerre mondiale. On pourrait presque se demander si la dénonciation d’un problème, d’une situation ne crée pas, parfois, le problème en question.