Le film de la vie

Le film de la vie

8 juin 2023 Non Par Paul Rassat

Talpa avait déjà rendu compte du film d’Alain Ughetto Interdit aux chiens et aux Italiens. Film qui poursuit sa route. Il fait l’affiche du BIAF 2023 ! Le succès mérité de cette œuvre tient sans doute à ce qu’elle est une transmission vraie. Au sens où la transmission, pour être réussie, doit se réaliser dans les deux sens. Le cours d’un professeur est stérile si celui-ci n’apprend rien de ses élèves. Alain Ughetto a reçu la vie de ses parents. Il leur redonne vie, leur donne sa voix et leur tend, littéralement, la main. En toute simplicité, avec amour.

La nécessité créatrice

« La musique est un cri qui vient de l’intérieur », chante Bernard Lavilliers. La poésie aussi. Parfois un cri de douceur. Toute création vraie vient de l’intérieur. Il semblerait même qu’elle nous traverse. Certains artistes se disent des antennes, ils reçoivent et transmettent quelque chose qui les dépasse. Ce besoin, cette nécessité, le public les ressent. Il ne s’agit plus alors d’informer, de distraire, de raconter mais de partager la vie.

Soi avec les autres

Il me semble avoir lu une critique disant que les personnages du film manquaient de vie. Ils sont, certes, nés de la même main, du même esprit, au même moule du cinéma d’animation, de l’immigration écrasante, mais chacun y trouve sa voix et sa voie. Tous identiques aux yeux du pays qui les accueille, ils se fondent dans son histoire avec les guerres. Ils absorbent sa culture populaire, comme le Tour de France. Ils sont digérés et digèrent pour, chacun, devenir unique. C’est le travail d’Alain Ughetto : être pleinement soi en étant les autres.

À l’affiche

Regardez bien l’affiche du BIAF 2023. Trois ouvriers sur la neige des montagnes, en file italienne. Identiques et différents. Chapeau, coiffe, casquette. Pioche, pelles : ouvrir la voie, façonner. Chacun sa valise à la main, à gauche, à droite, à gauche. Pour l’équilibre et l’esthétique de l’image, bien sûr, mais bien au-delà. Ajoutez la touche de poésie. La nature est vivante ! Ce rocher en forme de visage grec statufié. Ces autres visages que l’on devine dans les plis de la montagne ! Tout serait donc vivant, et nos personnages traversent la Vie et l’Histoire comme sur un théâtre d’ombres qui se transmet !

Un peu d’humour

La poésie perce la surface du monde pour retrouver ou créer les liens vrais. L’humour y apporte sa souplesse, cette respiration qui nous dégage de la relation zéro, de la survie permanente. Avec la tendresse, il fait chanter le film d’Alain Ughetto que le Festival d’Annecy avait découvert et consacré en 2022. . À propos d’humour, Mino Faïta m’avait envoyé un message que j’ai lu, pendant notre conversation, à Alain Ughetto : « J’ai coutume de dire qu’après l’italophobie, le deuxième problème de l’immigration italienne en France est le café savoyard. Cependant, en la matière notre tolérance a été grande, la preuve, nous sommes restés. »

Le film d’animation aurait-il, parfois, une âme?