Houg, galeristes de père en fils,Lyon

Houg, galeristes de père en fils,Lyon

7 juin 2023 Non Par Paul Rassat

Conversations avec Olivier Houg, le père, puis avec Romain, le fils. Une aventure artistique et familiale riche, bien ancrée. Une conception du métier de galeriste qui ne fait pas dans l’épate mais relève du vrai.

 Olivier, connaissez-vous l’origine de votre patronyme ?

Houg vient de l’Europe du nord, vraisemblablement du Danemark, il y a très longtemps.

Vous êtes un Viking ?

C’est un peu ça.

Il y aurait un lien entre votre patronyme et le feu.

Je n’ai jamais vraiment cherché, mais tous mes ancêtres, de la fin du 19 ème siècle jusqu’à la fin des années trente, étaient maîtres verriers. Ils avaient à voir avec le feu !

Comment êtes-vous entré dans l’activité de galeriste ?

Parallèlement à ses activités professionnelles, mon père avait ouvert à Saint-Étienne une galerie d’art contemporain. Je me souviens être allé aux vernissages à partir de l’âge de treize/ quatorze ans. Il y avait alors un très beau musée dirigé par Maurice Allemand. Ce directeur faisait un travail remarquable et unique. Saint-Étienne était alors le premier musée d’art moderne en France. J’en ai été impressionné, influencé. Après le bac, je me suis inscrit à l’École du Louvre. Ma première envie était de travailler dans la conservation. Mais les choses de la vie ont fait que j’ai quitté Paris pour revenir à Saint-Étienne. Peu de temps après, j’ai ouvert un premier espace à Lyon.

Vous passez les barrières footballistiques entre Lyon et Saint-Étienne.

J’ai  apprécié le football. Je le regarde aujourd’hui de loin, il fait partie de la culture stéphanoise et lyonnaise, mais bon.

Saint-Étienne, Paris, le retour de votre fils à Lyon. Vous recentrez toutes vos activités à Lyon désormais ?

Mon parcours lyonnais a été plutôt remuant. J’ai eu cinq espaces différents en 25 / 30 ans. C’est maintenant le sixième. J’ai eu la bougeotte, des espaces extraordinaires. L’expérience vers la Confluence, la Sucrière a été médiocre. Nous attendions, comme promis, un développement fantastique du quartier. Ça n’a pas été le cas. J’ai donc lâché ce magnifique espace du genre galerie newyorkaise pour revenir dans le centre de Lyon, avec un espace plus petit. Je m’occupe plutôt du second marché, d’expertises. J’ai lâché peu à peu la direction artistique et la galerie d’art contemporain à mon fils. Mais nous avions l’impression que ce petit espace ne suffirait pas à nos activités et à nos envies. Quitte à avoir un petit espace, pourquoi pas à Paris ? D’où l’ouverture de la galerie d’art contemporain à Paris, dirigée par mon fils, moi restant à Lyon.

Déceptions, contraintes vous ont poussé à réfléchir et à trouver la véritable solution.

Le véritable recentrement de nos activités à Lyon est avant tout d’ordre humain et familial. Romain, mon fils, faisait la navette chaque semaine. Nous réfléchissions à une solution et s’est libéré à Lyon, à dix mètres de mon ancienne adresse, au 11 rue Jarente, un espace magnifique : plus de 230 mètres carrés, une belle hauteur de plafond.  Nous ouvrons le 22 juin, après quelques travaux. Et en septembre nous aurons l’exposition monographique d’un artiste avec lequel nous travaillons depuis quelque temps.

Nous discutions, nous posions des questions, et puis il y a eu ce clin d’œil. Rue Jarente ! J’y avais travaillé pendant dix ans, réalisé de très belles expositions. C’est là que la galerie d’art contemporain s’est développée, là qu’elle a trouvé sa place et nous a permis d’accéder aux grands foires expositions, à la Fiac. Nous prolongeons ainsi une présence de quarante ans  à Lyon.

Vous associez énormément d’activités, premier et second marché, expertises, art moderne et contemporain. Comme vous définiriez-vous ?

Je me considère comme un marchand de tableaux qui conseille, recherche des œuvres. Je recherche aussi des artistes émergents qui m’intéressent. Cette partie, je l’ai laissée totalement à mon fils, comme je compte lui laisser le second marché. Il y a là une histoire de passage. Mon père m’a transmis le goût de l’art, je le transmets à mon tour.

Romain prend le relais

Votre père se définit d’abord comme un marchand de tableaux. L’expression sonne un peu à l’ancienne.

C’est ce qui résonne dans l’inconscient collectif quand on parle d’un galeriste. Il fait de l’achat revente de tableaux. Pour ma part, je considère que je promeus l’art contemporain par des expositions, par la proposition d’œuvres. Le métier de mon père, lui, relève vraiment du conseil, de l’achat revente d’œuvres.

Le mot « marchand » est un peu dévalorisé aujourd’hui. Vous lui redonnez une forme de noblesse en l’associant à l’art.

Je dis aux personnes qui ne connaissent pas le milieu de l’art «  Je vais ouvrir la galerie, je vais ouvrir la boutique, le magasin. » Notre travail est un commerce comme un autre.

Certains galeristes font beaucoup d’esbroufe pour faire oublier le volet marchand. Vous procédez à l’inverse.

Mon père et moi avons toujours eu à cœur de défendre une certaine façon de faire. Nous dédramatisons le regard des gens sur notre activité et sur les artistes. Beaucoup de gens pensent que le galeriste est un gros bonhomme qui attend derrière son bureau en fumant un cigare. Il sauterait sur le client et s’enrichirait sur le dos des artistes. Nous sommes complètement transparents quant à notre façon de travailler.

Vous êtes tous les deux au centre de nombreuses activités croisées. Vous avez aussi pour moteur la transmission.

La transmission de savoir faire. Comme pouvait le faire au XVII ème siècle l’artisan maraîcher, de génération en génération. Cet esprit hérité de la famille, je tente aussi de le transmettre aux artistes avec lesquels je travaille. Ils sont impliqués dans le projet de la galerie. C’est vital. Le partage fait grandir l’âme.

Il faut garder une fraîcheur d’esprit.

On est toujours surpris par la capacité des jeunes artistes à se repousser dans leurs derniers retranchements techniques et intellectuels. Ils piochent dans les technologies, dans l’industrie pour appuyer leur regard sur la société. L’art n’est pas fait pour nous blaser, au contraire ! Et puis le contact physique d’une œuvre découverte dans les bouquins apporte une autre dimension. On peut prendre de grosses claques.

La rencontre vraie est donc le centre de votre démarche.

Nous avons besoin de ce rapport humain, de ces contacts. Historiquement, Lyon est une place de marché très importante. Malheureusement ces dernières années elle a perdu de son importance. Peut-être l’appel de Paris ? Auquel nous avons-nous aussi succombé il y a une dizaine d’années. Le Covid a rebattu les cartes. On a cherché des œuvres dans sa région, dans son quartier ; des circuits courts. Les collectionneurs, les amateurs attendaient l’ouverture de nouveaux lieux à proximité. Nos collectionneurs historiques ont tous été ravis d’apprendre l’ouverture de notre galerie lyonnaise. Nos artistes aussi. La ville est très dynamique en matière d’art, de musées. La Biennale en témoigne.

Circuits courts, approche écologique, NFT alimentent encore une conversation passionnée qui donne réellement envie de suivre les aventures artistiques d’Olivier et de Romain Houg.