Le langage, la langue et la physique quantique

Le langage, la langue et la physique quantique

10 août 2023 Non Par Paul Rassat

«  Être, pour l’homme, c’est être en train d’être. » D’où  « la possibilité de ce devenir incessant dans la manière de vivre le langage, dans son rapport au réel du monde. Les mots ne sont pas que des outils de désignation qui ne donnent accès qu’aux choses ; ils sont aussi la vie des choses et notre vie dans les choses, si nous savons entendre les vibrations de la vie qui traversent la matière… » ( Photo© L’Académie du Goût).

« Courir dans les mots »

«  Refus de l’enfermement catégoriel et identitaire du monde dans des mots qui ne seraient faits que pour désigner, catégoriser, conceptualiser. La dimension foncièrement langagière de l’être implique un rapport dialectique étroit entre le monde, la parole et l’homme. Une parole parlante donnera naissance à un homme vivant et à un monde dynamique. »

Interpréter

Marc-Alain Ouaknin relie cette analyse de la langue au fait que «  le peuple juif n’est pas le « peuple du livre », mais le « peuple de l’interprétation du livre ». » Revenons au mythe de Babel. Et si Dieu n’avait pas puni les hommes ? « … il les dispersa à travers l’immensité du monde, avec leurs langues qui, à la chute de Babel, se comptaient par milliers. » C’est ce qu’écrit Andrea Marcolongo dans Étymologies pour survivre au chaos. Elle poursuit « Rien n’a plus de force et de talent que le langage pour donner forme aux choses et façonner la réalité. » Dieu n’aurait-il pas plutôt permis aux hommes d’enrichir à l’infini leur relation au monde et à eux-mêmes ? Une seule langue est en elle-même une infinité de langues. À chacun d’interpréter librement le monde, son monde.

Ce que nous disons du monde

«  En somme, la physique ne décrit pas le monde. Elle décrit ce que nous savons du monde. Elle décrit l’information que nous avons sur le monde. » Tout langage est une description du monde qui fait partie du monde décrit. C’est ce qu’écrit Carlo Rovelli traitant de physique quantique dans Helgoland.

De l’importance des relations

«  Le monde se fragmente en un jeu de points de vue, qui n’admet pas de vision globale unique. …les propriétés ne résident pas dans les objets, elles sont des ponts entre les objets. Les objets ne sont tels que dans un contexte, c’est-à-dire uniquement avec d’autres objets, ce sont des nœuds où se rencontrent les ponts. Le monde est un jeu de perspective, un jeu de miroirs qui n’existent que dans leur reflet l’un dans l’autre. »

Courir dans le monde

Les propositions de Marc-Alain Ouaknin partent de la Cabale. Elles vont bien au-delà. Nous sommes ces particules que la physique quantique voit danser. Ce mouvement de la pensée, de la langue, des idées, ce besoin de conversation deviennent encore plus importants pour chacun à l’heure de la pensée unique, de la tyrannie des chiffres et du temps de cerveau disponible pour un soda. Tout part de la langue, et Andrea Marcolongo rappelle que l’origine du mot renvoie au muscle. C’est la langue qui goûte, tourne et retourne dans la bouche qui est à l’origine de la langue que nous parlons. «  Prendre langue » avec quelqu’un prend toute sa saveur dans cette acception.