Le roi s’amuse au Festival de Malaz. Le public aussi

Le roi s’amuse au Festival de Malaz. Le public aussi

3 juillet 2021 Non Par Paul Rassat

Soirée réussie au Festival de Malaz dirigé par Hugo Roux. Les acteurs ont joué « Le roi s’amuse » de Victor Ugo mis en scène par Guillaume Ravoire.

L’inarrêtable pouvoir du roi

Dans Mensonge romantique et Vérité romanesque René Girard soutient que le héros en quête d’amour tente de ressembler à son rival. Or qui, dans cette même quête, oserait s’opposer au roi ? Personne. Le roi est donc son propre rival et ne connaît, dans cette schizophrénie, aucune limite. Il ne sait que séduire, consommer, rejeter. Jusqu’à ce que son bouffon s’oppose à lui car le sort de sa propre fille est en jeu. D’amuseur cynique et intouchable, Triboulet devient victime (indirecte) et accusateur. Le roi demeure le roi. Les courtisans courtisent.

L’écriture de Hugo

On retrouve la force d’écriture de Hugo, sa verve et sa générosité dans « Le roi s’amuse« . Cet élan s’appuie sur des oppositions, des paradoxes. «  Plus j’étais tombé bas, plus je te voulais haut…Fatal/doux…illustre/infâme… » Le rythme fait de l’auteur un slameur avant l’heure. Le public est emporté par ce tourbillon romantique que tempère le cadre naturel où se déroule la représentation. La scène ? De l’herbe. Le décor ? Arbres. Quelques accessoires. La lumière ? Quelques spots ajoutés à la lumière naturelle qui frise et dore la cime des arbres en début de soirée. Quand l’orage gronde, on regarde le ciel avant de comprendre qu’il provient des hauts parleurs invisibles. À passer de la réalité naturelle au jeu et à la fiction, on est pris autrement que dans une salle. La proximité des acteurs enrichit la relation à l’œuvre. L’impression qu’il n’y a pas de mise en scène montre  que celle-ci sert efficacement Hugo.

Que veut-on d’un roi ?

Qu’il cesse de s’amuser. Qu’il sacrifie sa personne à sa fonction. Et s’il ne le fait pas, certains ont intérêt à s’amuser avec lui aux dépens des autres, parfois de soi. On envisage même de tuer le bouffon pour retrouver un vrai roi. Amusons-nous à rappeler François Hollande allant retrouver sa belle à scooter. Les hauts cris hypocrites de l’opposition s’inquiétant de la sécurité du Président. Les mêmes s’étant indignés d’un « Président normal » pour toutes sortes de mauvaises raisons détournant du Président bling bling.

La monstruosité du pouvoir

La figure du monstre accompagne tout l’œuvre de Hugo. Et si le monstre, ici, n’était pas le bouffon contrefait mais le roi ? Que personne ne peut se risquer à accuser impunément. Ce roi qui déclare, docteur Freud, « Je veux mettre des ailes à mon donjon royal…Tout est à moi, je suis le roi. » Posséder encore et encore.

S’amuser

L’étymologie nous dit que ce verbe vient de muser. Un cerf qui muse entre en rut. Le mot signifie aussi musarder, flâner, prendre ou perdre son temps. Un roi qui s’amuse perdrait ainsi son temps à toujours être en rut ? Seul le roi s’amuse. Les courtisans feignent. Le bouffon travaille. Si nous transposons dans notre époque, rois et courtisans s’identifient facilement. L’inflation médiatique et informationnelle tiendrait le rôle du bouffon.

Le Festival de Malaz

Une bouffée de fraîcheur naturelle et créatrice. Une sorte d’écologie du théâtre. Des configurations à taille humaine qui privilégient la proximité, la convivialité. Chapeau les artistes !