Réforme des retraites et réforme du travail

Réforme des retraites et réforme du travail

2 juillet 2021 Non Par Paul Rassat

Réforme

Initialement la réforme consiste à redonner la forme d’origine. Imaginons qu’en matière de retraites il s’agit de retrouver un équilibre permettant de payer celles-ci sans creuser de trou dans le budget. C’est logique, non ? Rationnel. Imparable. Et à partir de ce constat, déroulé de chiffres et de mesures découlant de ces chiffres. Or abordée ainsi la réforme ne fait qu’accentuer les inégalités de vies de travail. On rappellera à ce sujet deux exemples parmi bien d’autres possibles.

Le juste prix

Le  livre de Hervé Hamon Ceux d’en haut traite des grands patrons et des politiques. Et de citer « L’argent est un moteur, une liberté…Mais ces sommes folles, ces rémunérations extravagantes, qui font scandale ? La démesure viendrait palier leur faible légitimité…il leur faut se vendre cher pour être certain de valoir quelque chose. »

Quand le commun des mortels consulte un psychanalyste, c’est la rétribution de celui-ci qui rend la séance réellement opératoire ; la rétribution fait partie de la « cure ». Pas pour ceux d’en haut qui guérissent leur angoisse existentielle grâce à des revenus démesurés : leur rétribution est leur cure. Les gens d’en haut valent ce qu’on les paie ; ceux d’en bas sont payés ce qu’ils valent, ou qu’on estime qu’ils valent.

Smicard ? Rmiste ? Fonctionnaire ? Pas de place pour les problèmes existentiels ; pour eux,  vive le juste prix !

Boulots de merde  Julien Brygo et Olivier Cyran

Le livre cite l’étude Euréka et d’autres. Celle-ci envisage le retour social sur investissement pour évaluer un métier. L’agente de nettoyage en milieu hospitalier produit 10 livres sterling de valeur sociale pour moins de 7 livres de salaire horaire en luttant par exemple contre les infections nosocomiales. De même pour un ouvrier du recyclage. Un publicitaire grassement payé, en revanche, accroît artificiellement la consommation et détruit davantage qu’il n’apporte. Pourtant, étudiez les salaires des uns et des autres.

Scrupules ?

  Des scrupules ? Mais non ! Comme le montre Hervé Hamon, ce sont les salaires mirobolants qui rendent légitimes les grands patrons ; pas leurs compétences. C’est le pouvoir qui rend légitimes nos dirigeants ; pas leur mérite. C’est l’audimat qui rend légitimes les professionnels des médias ; pas leurs qualités. Ne pas oublier qu’à l’origine le scrupule est une petite pierre pointue susceptible de gêner la marche. Ce truc qui se loge dans la chaussure et empêche d’aller de l’avant. Mais on n’arrête pas le progrès, c’est bien connu.

Une réforme, oui, mais quelle réforme ?

Toutes celles qui ont été proposées figent les inégalités de vies de travail et les amplifient. C’est en ceci qu’elles sont inacceptables. Certains ont reçu en 2003 la merveilleuse lettre signée du Premier Ministre de l’époque, l’ineffable Jean-Pierre Raffarin. Il y était question de « plus de sécurité…plus de liberté…plus de solidarité ». On y lisait les mots « effort partagé, solidarité, vérité, travail de tous… » À une époque, une publicité montrait Monsieur Plus ajoutant quelques noisettes dans une friandise. Nous eûmes ensuite l’inoubliable « Travailler plus pour gagner plus. » Si la réforme permet de revenir à l’équilibre, c’est de cet équilibre qu’il faut discuter. Un équilibre qui n’entérine pas les inégalités et les injustices de vies de travail mais contribue à les réparer. Voire à réformer le monde du travail.

Ne pas faire de la retraite un fromage.

En Haute-Savoie, la retraite a permis ingénieusement de fabriquer du reblochon. Les paysans ne trayaient qu’en partie leurs vaches avant le passage du collecteur de taxes. La deuxième traite – la retraite, appelée la « rebloche »- permettait de produire le reblochon. Or notre système économique aurait plutôt tendance à traire la vie de travail de certains-que des dirigeants s’amusent à traiter d’assistés-pour traire ensuite leurs retraites. Celles et ceux qui en profitent auraient tendance à dire « Cheese »  pour sourire en posant pour les photos officielles.

Métiers d’avenir

Parmi les métiers d’avenir que suggère Talpa, en voici un destiné à maîtriser celui des retraites.

Creuseur de trous

Qui n’a entendu parler du trou de la sécu ? C’est peut-être le plus célèbre. Mais il y en a bien d’autres, dans l’économie, les finances, telle ou telle caisse de telle ou telle entreprise. Les trous prolifèrent comme des champignons dangereux alors qu’on recherche des cèpes. Le pays aurait intérêt à créer un escadron de creuseurs de trous. Ceux-ci creuseront des trous aux dimensions requises et aux endroits désignés, afin d’éviter les débordements et les accidents. Il ne sera d’ailleurs pas interdit d’inventer d’autres trous, dans la mesure où nous saurons les gérer. Créons-les nous-mêmes au lieu d’en subir l’anarchie.

   Cette stratégie nous permettra de mieux savoir où nous allons, et dans quels trous mettre où ne pas mettre les pieds.

On pourra adjoindre aux creuseurs de trous des creuseurs de mares, ce qui évitera de jeter des pavés n’importe où, au risque d’éclabousser pour rien.

PS

Depuis son passage en juillet 2020, Le Panoramic de Tignes a obtenu une étoile au Guide Michelin. Talpa porterait bonheur? La photo montre comment on y cuisine le reblochon.