L’écran et le popcorn

L’écran et le popcorn

7 novembre 2023 Non Par Paul Rassat

L’écran : « Objet conçu pour arrêter un rayonnement. Surface faisant arrêt, sur laquelle peut apparaître l’image d’un objet. Porter à l’écran… » Dernier quart du XIIIe s. escren « panneau servant à se garantir de l’ardeur d’un foyer… Empr. au m. néerl. scherm « paravent, écran »

Petit ou grand, l’écran montre autant qu’il cache. « Sur l’écran noir de mes nuits blanches,
Moi je me fais du cinéma » chantait Nougaro. L’écran contraste. Jusqu’à ce que les écrans des téléphones mobiles envahissent notre espace. Celui-ci, devenu peau de chagrin, ne suffit plus à faire écran à nos téléphones, consoles de jeu et autres.

La fascination de l’écran

L’écran est devenu, terme à la mode, régressif. Dorénavant et désormais, un plat peut être gourmand, malin et régressif. Nos écrans eux aussi. Gourmands car ils consomment beaucoup de notre temps et d’énergies de toutes sortes. Malins car ils nous trompent et mettent notre temps de cerveau à la disposition de sodas et autres produits dont nous devenons des sous produits. Régressifs parce qu’ils nous fascinent et que nous les regardons comme un enfant qui découvre le monde.

Crunchisation du monde

Dans Ce que l’art nous cache Darian Leader explique ceci. Le nourrisson qui tète le sein maternel ou le biberon associe la nourriture au visage de sa mère. Il ingère le lait nourricier en même temps que l’image. Plus tard, au cinéma, le grand seau de popcorn remplace le sein maternel. L’habitude de manger en regardant se continue devant un écran. Maman ! Et c’est ainsi que pendant la projection du film de Miyazaki Le Garçon et le Héron un couple de plus de trente ans a pu accompagner de bruits de mastication les moments les plus poétiques du film.

Popcornisation de nos vies

Lançons une hypothèse. On se perd en conjectures quant à la signification des peintures rupestres. Pourquoi ne pas envisager les parois des grottes préhistoriques comme des écrans ? Nos ancêtres y contemplaient ce que le paysage médiatique pouvait leur offrir à l’époque. Leur imagination suppléait l’absence de mouvement et de son. Ceux-ci envahissant nos loisirs actuels, il est normal que nos imaginations régressent. Allons plus loin. Pourquoi les femmes et hommes de la préhistoire n’auraient-ils pas consommé des baies, de petits animaux en admirant les peintures rupestres ? Il n’est pas impossible qu’on en retrouve les reliefs en cherchant bien. L’eucharistie pourrait être interprétée comme l’aboutissement de cette ingestion simultanée de nourriture et d’image. Vous reprendrez bien des popcorn ?