L’Éditaupe#13 : l’orgasme

L’Éditaupe#13 : l’orgasme

17 février 2021 Non Par Paul Rassat

Droit à l’orgasme

Quelqu’un ou quelqu’une disait sur les zondes d’une radio que les femmes ont droit à l’orgasme. Opinion que je soutiens davantage que je ne la partage parce que, à force de partager l’orgasme, il risque d’y en avoir moins pour chacun. A moins que ce ne soit l’inverse. Pourquoi ne pas créer le droit à l’orgasme opposable ? Comme le droit opposable au logement. Avec possibilité de mettre fin à une relation qui ne donnerait pas satisfaction de ce côté-là. Demeure cependant une question d’importance : que faire de soi en cas de masturbation inopérante ? La schizophrénie serait-elle due à ce type d’insatisfaction ?

 Ne vous moquez pas de la masturbation. C’est faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime.

Woody Allen

Pas si simple !

 Ton moi, tu l’aimes ou tu le quittes !

Les investigations de Masters et Johnson dans les années 60 ont mis en avant les différentes phases qui mènent à l’orgasme féminin, différents « plateaux ». On ne sait pas toutefois si les femmes à plateau, Les Mursis, ressentent plus de plaisir sexuel que les autres.

Témoignages

Alors que l’on défend, à juste titre, de plus en plus le bien-être animal, il faut soutenir le droit au plaisir à défaut du plaisir du droit. Les voies du plaisir sont parfois surprenantes, comme en témoignent ces deux interviews.

 — Olala oui, on a pris du plaisir tous ensemble. On a vraiment pris du plaisir en revenant aux fondamentaux. On a poussé dans l’axe profond et ça a payé. Le plaisir a été partagé je crois, parce que pour que la rencontre soit belle il faut des partenaires qui soient prêts à tout donner. Sans rien lâcher sinon au bon moment, bien sûr.

Un rugbyman

—  En cette période incertaine nous apportons une qualité de services propre à soutenir, voire à remonter le moral aussi bien du citoyen de base que de nos dirigeants. Nous avons su nous adapter à des conditions de travail délicates, comme toujours. Pour un prix relativement modique, nous donnons du plaisir. Nos prestations se sont montrées indispensables. Elles relèvent à l’évidence du domaine du care et doivent être reconnues comme telles. 

Une travailleuse du sexe

Par-delà le sexe

 La gastronomie elle-même apporte du plaisir ; c’est ce que disent les chefs. Ils donnent du plaisir, ou en vendent. Peut-on considérer à ce propos qu’on donne du plaisir quand le don est gratuit ou bien quand le plaisir reçu est supérieur au plaisir attendu pour le prix acquitté ? A vérifier en matière d’art, de littérature, de relations humaines et spirituelles…Dans tous les domaines en fait.

Mais l’acmé du plaisir est l’orgasme. Revenons-y.

L’orgasme tactile

On évoque de plus en plus « l’orgasme tactile » lié à la relation avec une œuvre d’art, à l’écoute de la musique en particulier. Il se manifeste extérieurement par un frisson qui parcourt l’épiderme sous la forme d’une chair de poule. L’orgasme « tactile » ne serait pas causé par une submersion des sens mais bien davantage par une ouverture d’esprit, une disposition à la curiosité de notre esprit qui aurait plaisir à anticiper la suite à partir de ce qu’il a déjà vu, entendu, senti, la suite rejoignant le déjà vécu dans un présent où ils se télescopent.

Tout se passerait donc comme si la formation du souvenir ne se produisait pas après la perception de la scène mais en même temps, le moment présent apparaissant à la fois comme perception et souvenir pour provoquer une sensation « quasi orgasmique. » Ce phénomène serait du à « l’activation d’un réseau né de la synchronisation entre plusieurs structures du lobe temporal médian 

Marc Gozlan Le Monde 13/09/2012

L’hippocampe jouerait un rôle essentiel dans cette synchronisation épileptique. Au fond, pour parvenir à l’orgasme, il vaut mieux s’alléger des contraintes du temps qu’être à cheval sur les grands principes.

L’avis d’une sexologue

Une conversation partagée avec Magali Croset-Calisto, sexologue et écrivain lors de la sortie de son livre Dolce Italia peut nous éclairer à ce sujet.

Magali Croset – Calisto puisque vous maniez l’oxymore dans votre livre, il serait possible de se demander si l’Italie n’est pas une sorte d’immense orgasme permanent.

   Je pense que l’Italie est vraiment construite sur des oxymores, comme l’expression « orgasme permanent » en constitue un. Sur des oxymores, des ambivalences, des ambigüités, des nuances. Évoquer l’orgasme  à propos de mon livre me plaît parce que j’ai voulu parler du désir et du plaisir. Pour l’orgasme, il faut cette phase d’excitation anticipée, ce point d’acmé orgastique et le plaisir qui est ressenti pendant mais aussi  après coup. Mon livre se construit, finalement, comme un orgasme. Oui.

A sa lecture, on a droit à l’orgasme gastronomique mais pas sexuel.

J’ai censuré l’orgasme sexuel que j’ai décalé vers l’orgasme culinaire pour obtenir un effet de sublimation comme on dit en psychanalyse, pour partir de la libido sexuelle, de l’excitation et arriver à quelque chose de plus conceptuel, plus intellectuel, culturel aussi. Ma démarche souhaite partir du plaisir pour en faire de la littérature.

Un orgasme en Italie…

Donc une invitation à l’initiation ou à l’orgasme. C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire à propos de mon livre.

Un orgasme se prépare, même intellectuellement. Pour apprécier pleinement l’Italie, il faut une préparation culturelle, une attente et, paradoxalement, une surprise le plus souvent.

C’est  cela. Un terrain de prédisposition à la découverte, au désir. Il faut se rendre disponible au plaisir éventuel sans savoir quand il va surgir. Je précise que c’est  ici la sexologue qui parle. Il faut cette envie d’avoir envie pour vivre l’expérience du plaisir au moment où elle surgit. Autrement c’est beaucoup plus compliqué.

Se préparer à être surpris ! Reste l’épectase, l’orgasme mystique qui rapproche parfois tellement le croyant de Dieu que l’effet tactile produit des étincelles.

Eros-Paysage 3, de Till Rabus

Dialogue de taupes

— Aujourd’hui, c’est la journée internationale de la procrastination.

—  Le truc qui consiste à remettre au lendemain ce qu’on devrait faire le jour-même ? — Oui. J’ai commencé à faire l’amour avec ma femme. On jouira demain.